Au début de l’épidémie, en mars 2020, le ministre de la Santé et la Direction générale de la santé (DGS) ont émis la recommandation de ne pas utiliser les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pour traiter les symptômes du Covid-19. Le Pr Nicholas Moore, de l'université de Bordeaux, explique en quoi ces craintes initiales sont à réévaluer.
« Les AINS pourraient aggraver l’infection par le SARS-CoV-2. » Ce message a conduit au quasi-arrêt de l’utilisation des AINS. Ces observations ne permettent en aucune façon d’établir un lien de cause à effet entre le médicament et la sévérité de la maladie, souligne le Pr Moore. « Comme dans la grippe, les patients fiévreux qui ne sont pas soulagés par le paracétamol ont pris un AINS », explique-t-il. Ce sont les personnes qui ont le plus de symptômes, et donc une forme potentiellement plus grave de l’infection, qui ont eu recours à un AINS.
Selon le Pr Moore, une autre hypothèse avancée pour évoquer un potentiel effet délétère des AINS sur le Covid-19 concerne son rôle de modulation de l’ACE2 (enzyme de conversion de l’angiotensine 2) reconnu comme le site d’accrochage du SARS-CoV-2. Le rôle favorisant de l’ibuprofène sur la contamination et sur la prolifération du virus a depuis été réfuté par plusieurs études, notamment chez des patients traités par des IEC et ARA2 pour des pathologies cardiovasculaires. « La modulation de l’ACE2 par les AINS pourrait en fait avoir un impact plutôt favorable », note le professeur.
Le traitement par AINS n’augmente pas non plus la sévérité du Covid-19 ni le risque d'hospitalisation. La Food and Drug Administration (FDA) américaine précise n’avoir pas connaissance de données scientifiques qui lieraient le recours aux AINS à une aggravation des symptômes de Covid-19. Quant à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle ne déconseille pas l’utilisation des AINS. Pour l’Agence européenne du médicament (EMA), il n’y a pas actuellement de preuve scientifique établissant un lien entre la prise d’AINS et l’aggravation du Covid-19. Selon le Pr Moore, « ces médicaments doivent être utilisés à la dose efficace la plus faible pendant la période la plus courte possible. Il n'y a actuellement aucune raison pour les patients prenant des AINS d'interrompre leur traitement, ce qui est particulièrement important pour les patients qui prennent des AINS pour des maladies chroniques. Les hypothèses d’augmentation du risque d’infection par le SARS-CoV-2 et d’aggravation de l’infection par les AINS doivent être réévaluées », conclut-il. Les autorités sanitaires internationales et les agences nationales de santé des différents pays l’ont d’ailleurs acté.
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