LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots en quoi consiste votre discipline ?
GUILLAUME NÉRY.- Globalement, la plongée en apnée pratiquée de manière sportive consiste à retenir le plus longtemps sa respiration sous l’eau. Cette apnée peut être pratiquée en piscine de façon statique, c’est-à-dire en restant immobile dans l’eau le plus longtemps possible sans respirer, ou de façon dynamique, en tentant de nager la plus longue distance sous l’eau sans respirer. Enfin, il y a l’apnée en profondeur. Cette dernière façon de pratiquer se subdivise encore en deux disciplines : l’apnée type « Le grand bleu », avec une gueuse pour descendre et un ballon pour remonter ; et celle que je pratique, la descente en poids constant, c’est-à-dire sans aucune assistance autre que la force musculaire et une monopalme. La performance tient alors uniquement dans la profondeur atteinte.
Techniquement, l’apnée en poids constant est-elle très différente des autres techniques ?
En apnée statique, on se concentre juste sur la capacité de l’organisme à rester sans apport d’oxygène, donc on est dans l’économie totale. Pour ma part, j’atteins ainsi des performances entre 6 et 8 minutes. En profondeur, il faut également apprendre à gérer le temps, mais d’une autre manière puisque, autant en apnée statique il n’y a aucune dépense énergétique que celles du métabolisme de base, autant en profondeur, il y a toute la dépense liée à l’effort musculaire. Ce qui explique que les durées de plongée sont beaucoup plus courtes. Par exemple, 125 mètres c’est 3 minutes trente d’effort.
Quelle préparation nécessite la recherche de performances en apnée à poids constant ?
En début de saison, c’est-à-dire en hiver pour moi, je privilégie la préparation physique, en insistant notamment sur les exercices de musculation. Il s’agit pour moi de travailler la puissance, la vitesse et l’explosivité. Autant de paramètres qui vont entrer en jeu lorsque je serai à 125 mètres de profondeur et qu’il faudra remonter en surface le plus rapidement possible tout en étant, malgré tout, dans l’économie. Pour cela, il faut une grosse préparation physique. Il faut également une importante préparation cardio-vasculaire, car plus on est endurant, plus on sera capable d’encaisser des charges d’entraînement importantes et plus on aura un métabolisme de base plus lent et bas et un cœur qui bat moins vite. Le ski de fond, le vélo, le trail, sont des activités à privilégier en hiver. C’est grâce à ce type d’entraînement qu’on acquiert un fonctionnement musculaire plus économique en oxygène.
Mais des muscles gros ne sont-ils pas plus exigeants en énergie ?
Voilà une idée reçue. Travailler sa musculation ne veut pas dire forcément avoir des gros muscles. On peut faire beaucoup de musculation et rester extrêmement fin. L’hypertrophie musculaire ne présente aucun intérêt, je recherche surtout l’efficacité en fabriquant du muscle utile peu consommateur. Quant au reste de la préparation, il est constitué par un gros travail d’apnée durant toute l’année. En hiver, je m’entraîne surtout en piscine en travaillant l’apnée dynamique avec le même matériel qu’en mer, c’est-à-dire des petites palmes ou ma monopalme. J’aligne les longueurs de bassin en apnée.
N’est-ce pas difficile de gérer son effort en apnée en profondeur ? Vous devez mesurer l’effort de la descente, mais aussi ce que vous coûtera en énergie la remontée…
En effet, et c’est pour cela que je ne prends jamais de décision pendant la plongée. J’annonce, avant de descendre, la profondeur que je souhaite atteindre. Ce choix est fait en fonction de plusieurs facteurs, notamment en fonction de mon niveau d’entraînement. Je progresse ensuite par paliers de 3 mètres en 3 mètres et je ne passe à l’objectif suivant que si la plongée précédente a été parfaitement maîtrisée. Il n’y a aucune prise de décision dans l’eau. L’autre paramètre difficile à gérer en apnée à poids constant, et qui n’existe pas en apnée dynamique, est l’augmentation de la pression. Celle-ci s’exerce sur les organes aériens, c’est-à-dire les poumons, les sinus et l’oreille moyenne, mais c’est surtout au niveau des poumons et de la cage thoracique que la pression se fait sentir. Si je plonge avec 10 litres d’air dans les poumons, arrivé à 125 mètres de fond, il n’y restera plus que 0, 6 à 0,7 litre. Les poumons sont donc complètement écrasés. Et le contrôle de ce phénomène requiert une adaptation très longue et difficile. C’est d’ailleurs l’un des principaux freins à la progression. Certains athlètes très performants en apnée en piscine, capables de parcourir 250 mètres sous l’eau, sont en revanche totalement incapables de descendre à 125 mètres parce qu’ils n’auront pas su appréhender la difficulté liée à la surpression.
Quels sont les signaux d’alerte qui vous indiquent qu’il faut très vite remonter ?
Notre corps est notre meilleur lanceur d’alerte. Le premier signal est une irrépressible envie de respirer qui se manifeste par des contractions involontaires des muscles respiratoires du diaphragme ou des muscles intercostaux. Ces spasmes sont les premiers signes d’un début de surcharge en CO2 de l’organisme. Ce signal ne veut pas dire que je dois remonter, mais c’est une première indication de mon état physiologique. Au fur et à mesure que l’apnée avance, je sens la fréquence de ces spasmes évoluer. Pour le reste, c’est un gros travail de connaissance de soi qui permet de détecter le moment où l’urgence est réelle et qu’il y a danger à poursuivre. Seule la bonne connaissance de son propre corps permet d’interpréter efficacement les signaux qu’il nous donne. C’est un sport de patience et de longue haleine.
Quelles techniques de relaxation privilégiez-vous ?
J’utilise beaucoup les techniques du yoga qui permettent de travailler à la fois la souplesse du corps et la méditation. Le travail sur la souplesse du corps est extrêmement important car, en profondeur, du fait de la très forte pression, si votre corps est rigide, il ne supportera pas la surpression et cela vous obligera à vous arrêter. Plus on est souple, plus on est en mesure d’accepter sans difficulté la pression.
Quels sont les derniers gestes que vous réalisez avant de plonger ?
Dans les dernières heures et minutes qui précèdent la plongée, je focalise toute mon attention sur la respiration, sur son rythme. Ces exercices ont vocation à m’amener à un état de relaxation totale. Je travaille également beaucoup la souplesse du diaphragme très sollicité pendant la plongée. Ces exercices sont très impressionnants visuellement car il s’agit de contracter à l’extrême le diaphragme en creusant au maximum le ventre (voir photo). Les 8 dernières minutes de préparation, je les consacre à une relaxation totale par le biais de techniques qui s’apparentent à de l’auto-hypnose. Je suis alors allongé dans l’eau et je ventile très peu. Mon cœur bat dans ces moments-là aux environs de 50 à 60 pulsations par minute. En revanche, dès que l’apnée commence, le réflexe d’immersion se met en place et le cœur ralentit spontanément à une trentaine de pulsations par minute. Un réflexe qui a pour objet de préserver l’oxygène.
Après la plongée, comment se passe la récupération ?
Il y a bien sûr d’abord de longues inspirations. On est quand même content de remonter à la surface ! On doit à la fois se regonfler en oxygène et se purger de tout le CO2 et l’acide lactique accumulés pendant la plongée. Car contrairement aux sports aérobies où l’élimination se fait pendant l’effort, lors de l’apnée celle-ci est différée.
Utilisez-vous des traitements ou des compléments alimentaires pour vous aider dans la préparation de vos performances ?
Aucun médicament ! J’ai une approche assez naturelle dans la façon dont je m’alimente, je mange 100 % bio. Pour moi, la prévention se fait surtout par l’hygiène de vie. Elle se fait vraiment en amont et sur la durée. Je suis très attentif aux associations alimentaires, je privilégie la supplémentation. Je suis aussi un très grand consommateur de miel de Manuka. Je veille aussi à la qualité de mon sommeil. Tout cela contribue à mon état de santé.
Des aliments privilégiés en période de compétition ?
Pas vraiment, mais en revanche, entre deux compétitions, je compense la fonte musculaire par une supplémentation en protéines. Sinon, j’évite généralement les produits laitiers car leur consommation stimule la sécrétion de mucosités directement liée à un état inflammatoire observé au niveau des sinus et de l’oreille moyenne, et le phénomène peut descendre jusqu’à l’arbre pulmonaire. Les apnéistes connaissent bien ce problème. Il faut enfin porter une grande attention à son hydratation, notamment en phase de récupération.
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