ON DISTINGUE, très classiquement, quatre grandes étapes dans la pharmacocinétique d’un médicament, à savoir l’absorption, la diffusion, le métabolisme et l’élimination. La bonne connaissance des paramètres de chacune de ces étapes permet, notamment, de choisir les meilleures modalités de prise (schéma de prise) et éventuellement d’adapter la posologie.
1. ABSORPTION
L’absorption correspond au passage du médicament dans la circulation générale. De multiples phénomènes peuvent intervenir au cours de cette étape, liés au médicament ou au patient.
Caractéristiques liées au médicament : pKa (ou coefficient de dissociation ; la forme non ionisée d’une molécule est généralement plus facilement absorbée), le rapport hydro/liposolubilité, la taille de la molécule du principe actif, la forme galénique (qui détermine la vitesse de dissolution du médicament).
Caractéristiques liées au patient : le pH digestif (interactions possibles liées à la prise concomitante d’un puissant antiacide), la vitesse de vidange gastrique (par exemple : rôle d’une gastroparésie du diabète avancé), la prise lors d’un repas riche en graisses, la prise associée de certains médicaments (pansements digestifs, modificateurs de la vidange gastrique), l’âge (le péristaltisme diminue avec le vieillissement).
Un paramètre clé liée à l’absorption est représenté par la biodisponibilité, définie comme la quantité (fraction) de médicament administré atteignant la circulation générale et la vitesse avec laquelle elle l’atteint. La biodisponibilité dépend de la dégradation éventuelle du principe actif dans la lumière digestive, du métabolisme subi au niveau des entérocytes et d’un éventuel effet de 1er passage hépatique.
Au même titre que la quantité absorbée, la vitesse d’absorption d’un médicament représente un paramètre très significatif en ce qu’elle détermine le délai d’action, notamment important pour les médicaments dont on attend un effet rapide, au premier rang desquels les antalgiques.
En pratique, on détermine la concentration maximale (Cmax) et le temps pour atteindre cette concentration (Tmax).
2. DIFFUSION
La distribution concerne la phase de diffusion du principe actif dans l’organisme. Si les caractéristiques physico-chimiques de la molécule conditionnent son affinité pour les différents tissus, d’autres facteurs interviennent également :
- La fixation aux protéines plasmatiques, souvent réversible, car seule la fraction libre de la molécule est active. En pratique, la fixation protéique n’est à considérer que si elle est très élevée (plus de 90 %) et si le médicament présente une marge (ou index) thérapeutique étroite. Certaines interactions médicamenteuses s’expliquent par une compétition de deux médicaments différents pour un même site de fixation sur telle ou telle protéine plasmatique.
- La diffusion tissulaire dépend de la capacité du principe actif à franchir les membranes tissulaires, et les « barrières » comme les barrières hématoencéphalique et foeto-placentaire. On retrouve à ce niveau les mêmes types de facteurs qu’en ce qui concerne l’absorption digestive, comme la lipophilie de la molécule, la fixation sur les protéines (plasmatiques et tissulaires), le débit sanguin tissulaire (tissus les plus vascularisés : cœur, rein, foie, poumon, glandes endocrines ; moyennement vascularisés : peau, muscles ; peu ou très peu vascularisés : tissu adipeux, phanères, os, ligaments, dents) et la capacité à franchir les parois vasculaires et cellulaires, de manière passive ou active (transporteurs).
- Le volume de distribution, qui s’exprime en l/kg, reflète la diffusion d’un médicament dans l’ensemble des tissus et organes. Il est défini comme le volume fictif (ou « apparent ») dans lequel se distribue une quantité de médicament pour être en équilibre avec la concentration plasmatique. Il est également fortement lié à l’intensité de la fixation du produit dans un compartiment de l’organisme. La valeur du volume de distribution est un indicateur de son « compartiment » de distribution : de l’ordre de 0,05, elle évoque le plasma (ex : héparine, insuline, aspirine, warfarine), de 0,20 une diffusion dans le compartiment extracellulaire (ex : aténolol, théophylline), de 0,55 pour une diffusion dans l’eau totale » (ex : éthanol, paracétamol) elle est supérieure à 2 quand le médicament est spécifiquement stocké/lié dans certains tissus (ex : morphine, propranolol, imipramine). À savoir : plus le volume de distribution est faible et plus le risque d’interaction médicamenteuse augmente.
Quelques facteurs clés modifiant la distribution des médicaments : âge, déshydratation, dénutrition, obésité, insuffisance cardiaque chronique, grossesse, syndrome néphrotique, cirrhose…
3.MÉTABOLISME
Le métabolisme correspond aux transformations par réactions enzymatiques d’un médicament en un ou plusieurs composés, pharmacologiquement actifs ou inactifs. Le principal site de biotransformation est le foie, très riche en enzymes (réactions d’oxydoréduction, d’hydroxylation…, les cytochromes P450, dont il existe de nombreuses isoformes, jouant un rôle essentiel) et qui reçoit un volume important de sang (1,5 l/mn : 1,2 l/mn par la veine porte et 0,3 l/mn par l’artère hépatique). Il convient aussi de souligner que certaines enzymes sont soumises à des polymorphismes génétiques (rôle émergent de la pharmacogénétique), ce qui explique la variabilité de réponses entre individus. Dans la plupart des cas, un médicament n’est pas métabolisé selon une voie unique, mais par plusieurs, et, en outre, certains principes actifs peuvent modifier (par inhibition ou induction) l’activité des enzymes responsables de leur propre biotransformation.
4. ÉLIMINATION
L’élimination des principes actifs et de leurs métabolites se fait essentiellement par voie rénale, plus secondairement par voie biliaire, pulmonaire ou salivaire. Quel que soit l’émonctoire, mais surtout bien entendu en ce qui concerne les reins, la notion de clairance (exprimée en ml/mn, elle correspond à un volume de plasma traversant un organe/tissu totalement épuré d’une substance par unité de temps) est importante à connaître en ce qu’elle permet une adaptation posologique.
Un paramètre très utilisé pour exprimer l’élimination d’un médicament (mais qui en réalité intègre aussi les processus intervenant dans la phase de distribution) est représenté par la demi-vie, qui correspond au temps nécessaire pour que la concentration plasmatique d’une molécule diminue de moitié.
À savoir : les facteurs influençant la clairance rénale sont représentés par l’âge, l’insuffisance rénale, l’insuffisance cardiaque, le pH urinaire, certaines interactions médicamenteuses.
Article précédent
Les mille et un mots du ventre
Article suivant
« Le meilleur médicament, c’est vous ! »
Faire face aux redoutables cancers digestifs
Le secret des plantes aux vertus digestives
Les nématodes, hôtes indésirables du tube digestif
Il y a gastro et gastro…
La trilogie du conseil digestif
Les mille et un mots du ventre
Voyage d’un médicament dans le tube digestif
« Le meilleur médicament, c’est vous ! »
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques