Un entretien avec Gilles Braud, directeur de Medappcare

La certification : contrat de confiance de la santé connectée

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Publié le 30/09/2019
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Gilles Braud, directeur associé de Medappcare, explique au « Quotidien » pourquoi la santé connectée a besoin de confiance. L'organisme qu'il dirige est la première entreprise européenne à avoir développé dès 2012 un référentiel rigoureux et indépendant d’évaluation des applications mobiles de santé. Un outil utile aux patients… et aux pharmaciens !
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Gilles Braud

Gilles Braud
Crédit photo : Eric Govignon

Le Quotidien du pharmacien. - Pourquoi les applis mobiles et les sites Web ont-ils, dans le domaine de la santé plus que dans d’autres, besoin d’une évaluation ?

Gilles Braud. - La raison est simple : la confiance n’est pas là ! Les utilisateurs et les professionnels de santé s’interrogent à juste titre sur la qualité des contenus ainsi que sur la protection de leurs données personnelles. Le secteur compte plus de 325 000 applications mobiles de santé dans le monde, une offre pléthorique qui par ailleurs avance rapidement ainsi que sa régulation (RGPD…). On le voit sur le terrain puisque nous formons les pharmaciens aux enjeux de la santé connectée pour le compte de groupements ou de laboratoires, les pharmaciens aimeraient conseiller les applications mobiles mais ne savent pas lesquelles recommander. 58 % des pharmaciens et 54 % des médecins recommanderaient davantage une application mobile de santé si elle était évaluée par un organisme indépendant (1). Par ailleurs, 72 % des Français sont en faveur d’une certification pour les applications mobiles de santé, et jusqu’à 77 % pour les sites Web, selon une enquête que nous avons réalisée avec Ipsos (2). C’est dire le besoin d’évaluer ces nouveaux services innovants en santé qui vont bouleverser les pratiques professionnelles notamment en officine.

Comment pourrait-on résumer concrètement la démarche d’évaluation et de certification d’une appli opérée par Medappcare ?

L’activité de certification de Medappcare vient d’être accréditée par le Comité Français d’Accréditation (COFRAC), l’instance nationale d’accréditation désignée par les Pouvoirs publics. C’est le résultat d’un long travail en interne et nous en sommes particulièrement fiers. Medappcare devient ainsi le seul organisme certificateur du mieux-vivre connecté reconnu officiellement en France et en Europe (3).

Notre métier, c’est donc d’évaluer et de certifier la qualité des applications mobiles et sites Web dans les domaines de la santé, du bien-être, du handicap et de la santé animale, au travers de la marque CertiLife. L’évaluation Medappcare porte notamment sur 60 critères de certification répartis sur 4 principaux axes : la sécurité numérique, la protection des données personnelles, la qualité du contenu ainsi que l’ergonomie. Sur chacun de ces axes d’évaluation, nous travaillons avec des évaluateurs experts soigneusement sélectionnés et habilités : experts en sécurité numérique, avocats, médecins, experts en autonomie, ergonomes… La compétence, l’indépendance et l’impartialité de Medappcare sont rigoureusement contrôlées, comme pour tout organisme de certification.

La certification est attribuée pour une durée de 3 ans et l’éditeur doit durant cette période contacter Medappcare dès que des changements majeurs ont été apportés à l’application.

En l’absence de label et de certification, quels sont les indices qui doivent éveiller la suspicion de l’utilisateur d’une appli santé ?

C’est évidemment une excellente question. Nous sommes parfois peinés de voir certains médias grand public recommander des applications mobiles de santé qui à première vue paraissent peu fiables. Et ce, pour des raisons parfois majeures comme l’exploitation de données personnelles à des fins commerciales sans en informer l’utilisateur, des erreurs dans le contenu scientifique (on a même vu une application recommander de la viande crue à une femme enceinte !), des bugs dans le fonctionnement…

Medappcare évolue dans l’intérêt général avec une exigence permanente de qualité. C’est l’essence même de notre activité. D’où les efforts que nous portons dans la promotion et la valorisation du signe de reconnaissance CertiLife auprès de l’ensemble des parties prenantes de la e-santé.

Après, pour répondre à votre question, si l’application ou le site Web ne sont pas estampillés CertiLife, il est toujours possible de vérifier la présence voire la pertinence des CGU et de la politique de confidentialité, la nature de l’éditeur, les sources du contenu… mais sincèrement, la démarche n’est pas simple pour un utilisateur ou un professionnel de santé, même aguerri au digital. C’est dans ce cadre que nous proposons des formations dédiées au numérique en officine pour le compte de groupements ou de laboratoires.

Le pharmacien peut-il, voire doit-il, être un prescripteur d’applis santé ? Le développement de la e-santé a-t-elle modifié la relation patient/pharmacien ?

Objectivement, malgré certaines initiatives intéressantes de la part de SSII ou de groupements, la pharmacie n’a pas encore pris le virage numérique et c’est bien dommage. Il y a un vrai risque de voir un décrochage entre des pharmaciens souvent attentistes et des patients de plus en plus connectés. Les grands opérateurs issus des nouvelles technologies l’ont bien compris et pourraient court-circuiter le réseau officinal avec leurs innovations sur le marché de la santé. Il faut avancer car les bénéfices attendus de la santé connectée sont réels en pharmacie et les nouvelles technologies seront de nature à propulser la profession dans l’ère du service pour conforter le pharmacien dans le parcours de soins du patient. C’est d’ailleurs ce que préconise l’Ordre des pharmaciens dans son livre vert sur la pharmacie connectée.

Plus concrètement de notre côté, nous sommes en train de mettre en place avec un acteur majeur de la pharmacie un kiosque de recommandation d’applications évaluées par nos soins à destination des officinaux. Ce qui permettra ainsi à nos confrères de recommander des applications fiables et sûres dans les domaines de la santé et du bien-être dans le prolongement de la dispensation d’une ordonnance ou d’un conseil.

Depuis cette année, Medappcare lance le DU e-santé en partenariat avec la faculté de pharmacie de Montpellier. Pouvez-vous nous dire quelques mots autour sur ce nouvel engagement ?

« Virage numérique de l’officine et de l’industrie pharmaceutique », tel est l’intitulé du nouveau Diplôme Universitaire lancé par la faculté de pharmacie de Montpellier avec le concours de Medappcare. La transformation digitale de la pharmacie est en marche tant du côté de la pharmacie d’officine que de l’industrie pharmaceutique et ce virage numérique impacte directement les métiers.

Ce DU, accessible en e-learning à distance, répond à une forte demande des professionnels du secteur (en formation continue) et des futurs diplômés (en formation initiale) qui sont en attente d’un enseignement technique et réglementaire rigoureux, ainsi que d’une acculturation aux enjeux du numérique en santé. Le DU accorde une place prépondérante à̀ des experts de terrain et à des industriels pionniers en la matière, ainsi que des académiques et institutionnels.

L’objectif est pour les officinaux (ou futurs officinaux) d’adapter leurs pratiques professionnelles à l’arrivée du numérique et d’intégrer les services innovants comme une opportunité́ de développement au service des patients. Il y a une vraie attente sur le terrain. Quant aux industriels du médicament, l’objectif est de les sensibiliser aux enjeux de la digitalisation de leur activité́ tout en insistant sur le cadre réglementaire applicable.

Enfin, les cours sont filmés et accessibles en ligne, la présence physique pour les cours n’est donc pas obligatoire (hormis pour l’examen qui se déroule à la fin du cursus à la faculté). Un format qui devrait séduire professionnels et étudiants de toute la France (4).

(1) Baromètre du pharmacien connecté 2018.
(2) IPSOS/AG2R La Mondiale/Medappcare, 2016.
(3) (accréditation n° 5-0598, portée disponible sur www.cofrac.fr).
(4) Contact : Professeur Cécile Le Gal Fontes, responsable du DU (Cecile.le-gal-fontes@umontpellier.fr).

Propos recueillis par Didier Doukhan

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3544