Grippe et Covid, deux campagnes pour un hiver

Jamais les Français n’ont été autant sollicités pour se faire vacciner. De façon inédite, deux campagnes de vaccination se déroulent simultanément en France : la traditionnelle campagne contre la grippe saisonnière et la campagne de rappel contre le Covid-19. Pour les autorités de santé, l’enjeu de santé publique est double : faire barrage à la cinquième vague de Covid-19, et prévenir les conséquences sanitaires d'une possible épidémie grippale. Une stratégie ambitieuse, dont la réussite dépend de l'engagement des professionnels sur le terrain et surtout, de l'adhésion de la population.

Première étape : simplifier le parcours vaccinal.

Au cours de l'été 2021, des données scientifiques de plus en plus nombreuses ont démontré l'érosion de la protection conférée par les vaccins Covid-19 au fil des mois. Pour maintenir le bénéfice de la mobilisation vaccinale, le gouvernement a décidé de démarrer une campagne de rappel dès septembre. Au premier plan dans l'élaboration de la stratégie vaccinale, la HAS (Haute Autorité de santé) a anticipé la concomitance de cette campagne avec celle de la vaccination contre la grippe. L'importance de ne pas négliger l'une au profit de l'autre tout en visant la simplification du parcours vaccinal a guidé la HAS dans sa prise de position, comme l'explique Élisabeth Bouvet, présidente de la Commission technique des vaccinations (CTV) : « Avec le Covid, l’hôpital est déjà sous tension et on ne peut pas se permettre de combattre deux épidémies en même temps, d’où l’intérêt de les prévenir. Comme le Covid, une grippe grave aboutit à une hospitalisation, voire un séjour en réanimation. »

Mener les deux campagnes vaccinales de front posait néanmoins plusieurs questions, auxquels la CTV a dû répondre avant de recommander une stratégie efficace, sûre et réalisable : « Pour recommander la vaccination concomitante, sans délai entre les injections, nous nous sommes appuyés sur des données anglaises de sécurité et d’immunogénicité. Selon ces données, la réponse immunitaire vis-à-vis des virus grippe et SARS-CoV-2 n’est pas altérée par une vaccination simultanée. En outre, la simplification du parcours vaccinal est un atout supplémentaire pour renforcer l'adhésion de la population. »

Pour vacciner, il faut des vaccins et des vaccinateurs.

Sur le terrain, la réussite de cette double campagne impose de disposer de moyens suffisants en vaccins et en vaccinateurs. Après les avoir autorisé à vacciner contre la Covid-19, il est apparu logique d'étendre les compétences vaccinales des préparateurs et des étudiants en pharmacie à la grippe saisonnière. En parallèle, les pharmaciens et les infirmiers ont été autorisés à vacciner contre la grippe toutes les personnes majeures, sauf contre-indication. La levée de ces restrictions permet au circuit officinal d'absorber davantage de candidats à la vaccination. Sur le plan logistique, il a fallu fluidifier le double approvisionnement des pharmacies en vaccins. Cette année, pour ne pas reproduire le scénario de pénurie de la saison 2020-2021, la dotation en vaccins contre la grippe a été revue à la hausse, avec une augmentation de 17 %. En outre, avec la commercialisation d'Efluelda réservé aux personnes de plus de 65 ans, l'arsenal vaccinal s'est étoffé. Côté Covid, les syndicats de pharmaciens souhaitent une simplification de l'approvisionnement en vaccins ARNm Comirnaty et Spikevax, et surtout un raccourcissement du délai entre la commande et la livraison.

Vaccination contre la grippe : faire aussi bien qu’en 2020.

Si tout est mis en œuvre par les autorités de santé et les professionnels pour mener de front avec succès ces deux campagnes, la grande inconnue reste le niveau d'adhésion de la population. « Certains patients ont l’impression de s’être vacciné pour rien l’année dernière. Ils s’interrogent clairement sur le bien-fondé de réitérer cette démarche cet hiver », témoigne Mathieu, pharmacien adjoint des Deux-Sèvres. Si l’hiver dernier a effectivement été marqué par l’absence de circulation du virus grippal, la situation s’annonce très différente cette année et une épidémie de grippe est probable, comme c’est déjà le cas dans l’hémisphère sud à Mayotte et à la Réunion. « Comme il n’y a pas eu de circulation du virus grippal pendant près de 2 ans, cela a entraîné une diminution de l’immunité collective et par conséquent, une plus grande vulnérabilité de la population vis-à-vis de cette infection. Ce phénomène pourrait contribuer à une épidémie de grande ampleur, d’où l’importance de se protéger grâce à la vaccination », prévient la présidente de la CTV qui espère une mobilisation aussi forte que l'année dernière pour la vaccination antigrippale.

Des épidémies distinctes, mais des enjeux sanitaires communs.

Autre élément qui mérite d'être clarifié auprès de la population : le vaccin contre la grippe ne protège que contre la grippe, et le vaccin contre le Covid uniquement contre le Covid. « D’un point de vue virologique, il faut bien insister sur le fait que les virus de la grippe et du SARS-CoV-2 sont différents, et qu’une personne peut être infectée par l’un et l’autre virus », précise Élisabeth Bouvet. L’association grippe et Covid majore d'ailleurs le risque de formes graves, puisque ces deux virus fragilisent l’organisme et la fonction respiratoire : « Si les virus influenza et SARS-CoV-2 sont différents, les infections dont ils sont à l’origine, grippe et Covid, se ressemblent beaucoup en termes de facteurs de risque et de complications. D’où la nécessité de vacciner contre ces deux maladies », souligne le Pr Bouvet avant de conclure sur une dernière recommandation : « Il n’y a pas de contre-indication à la vaccination contre la grippe chez une personne infectée par le Covid, et inversement. Comme toujours, il est préférable de décaler cette vaccination de quelques jours en cas d'épisode infectieux symptomatique. »