Le premier médicament numérique homologué par la FDA, en 2017, dans le contexte de la crise des addictions aux opioïdes, est le reSET, destiné à aider les patients traités pour une addiction à des drogues ou des médicaments à décrocher via l’usage de techniques comportementales et cognitives. Aujourd’hui, on parle surtout de thérapies numériques ou DTx (pour Digital Therapeutics), mais que recouvrent ces mots ? Il s’agit de solutions numériques utilisant une combinaison de logiciels, de synchronisation sécurisée des données et d’intelligence artificielle visant à apporter un bénéfice thérapeutique prouvé - fondé sur des données validées scientifiquement - dans le cadre d’une prise en charge d’une pathologie. Ces dispositifs peuvent, soit remplacer un médicament, soit compléter un autre traitement, médicamenteux ou non.
Gamification ou autonomisation
Tout d’abord, il faut bien faire la différence entre santé numérique (applications « bien-être » ne nécessitant pas de preuves cliniques), médecine numérique, qui s’appuie sur des preuves cliniques sans requérir d’autorisation réglementaire, et thérapies numériques nécessitant une approbation réglementaire et pouvant prétendre à un remboursement. Elles fonctionnent via une application et concernent principalement des pathologies chroniques : diabète, hypertension, hypercholestérolémie, maladies cardiovasculaires, respiratoires, cancers, dépression, troubles gastro-intestinaux… Mais aussi obésité, insomnie, sevrage tabagique, prévention des complications post-opératoires, etc. Autrement dit, des maladies ou des désordres pathologiques où les comportements, les signaux cognitifs, sensoriels et émotionnels sont impliqués. Certaines thérapies numériques misent sur la « gamification », c’est le cas des jeux vidéo Somryst, qui traite l’insomnie chronique chez les adultes, et EndeavoRX (Akili Interactive) qui vise à améliorer l’attention des enfants atteints de TDAH. D’autres, basées sur la mobilisation des sens, utilisent la diffusion de sons, d’images ou de lumières comme celle développée par la start-up bordelaise Lucine pour soulager les douleurs chroniques. D’autres encore sont des applications d’autonomisation du suivi à partir d’un algorithme auto-apprenant, par exemple pour le diabète de type 1 avec Diabeloop.
Quelle réglementation ?
Aux États-Unis, pour faire face à la demande croissante, tant de la part des patients, des prestataires de soins, des développeurs de thérapies numériques que des décideurs et des organismes de réglementation, la FDA a créé un Centre d’excellence de la santé numérique destiné à renforcer l’expertise en la matière au niveau gouvernemental, à moderniser les politiques et à créer un parcours de pré-certification pour les DTx. En Europe, les produits de thérapies numériques sont régis par la réglementation sur les dispositifs médicaux. Ils doivent donc subir des essais cliniques approfondis et être munis d’un marquage CE indiquant qu’ils répondent aux normes européennes strictes en matière de santé, de sécurité et d’environnement. De surcroît, ils doivent respecter les exigences relatives à la sécurité des données du RGPD.
En attendant une réglementation européenne spécifique, chaque pays dispose de son propre organisme chargé d’approuver les DTx. L’Allemagne a ouvert la voie en adoptant des mesures gouvernementales visant à encourager le développement des applications de thérapie numérique (acronyme allemand : DiGA). Elle a également promulgué, dès 2019, une loi autorisant une procédure accélérée d’évaluation des applications pouvant être prescrites par des médecins et des psychothérapeutes (Digital Healthcare Act). En France, les DTx doivent être approuvés par la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEMiMTS) et respecter des exigences de sécurité des données en plus du RGPD. Il n’existe pas encore de processus global de remboursement de ces innovations mais il est attendu.
Bénéfices escomptés
L’intérêt porté aux DTx dans tous les pays développés, Chine comprise, et l’essor que celles-ci connaissent s’expliquent par les améliorations qu’elles permettent d’envisager, en particulier en matière d’observance et de suivi, et, par voie de conséquence, de réduction des complications et des coûts. Aujourd’hui, le taux d’utilisation des DTx dans l’Union européenne est encore faible pour plusieurs raisons : les processus d’approbation ne sont pas normalisés, le nombre d’applications est limité et les prescripteurs restent méfiants ou peu convaincus. L’adoption massive par la population des nouvelles technologies, notamment des smartphones, devrait accélérer l’adhésion aux thérapies numériques. À condition cependant qu’elles soient faciles à utiliser et adaptées aux cultures locales. Quelques points méritent aussi réflexion : de quel type de pharmacovigilance faut-il se doter pour assurer un usage sécuritaire de ces médicaments numériques ? Et comment assurer la protection de ces données, économiquement intéressantes ?
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