En novembre 2021, le blog Facstory avait alerté sur la hausse de la mortalité infantile en France. En effet, après des décennies de baisse continue, ce taux oscille depuis 15 ans entre 3,5 et 3,8 morts sur 1 000 naissances vivantes. Si, selon l’INSEE, il est légèrement retombé à 3,6 en 2020 (contre 3,8 en 2019), comment expliquer cette hausse, ou du moins cette stagnation de la mortalité infantile en France, alors qu’elle diminue considérablement dans le reste de l’Europe ?
Beaucoup de causalités, peu de corrélations
Certains se sont hasardés à expliquer cette hausse par l’inclusion des statistiques issues des territoires d’outre-mer, à la mortalité infantile historiquement plus élevée qu’en métropole. Mais la tendance à la hausse a été observée sur presque tout le territoire. Selon Magali Barbieri, directrice de recherche à l'Institut national d’études démographiques (INED), « ces chiffres ne sont pas alarmants, d'autant plus que la mortalité infantile a à nouveau diminué en 2020 malgré la pandémie. Mais le sujet mérite d’être étudié ».
Une augmentation factice ?
La première explication de cette hausse serait, paradoxalement, l’amélioration des soins prénataux. La mortinatalité (enfants nés sans vie par mort fœtale spontanée ou interruption médicale de grossesse) recule progressivement en France, passant de 9,3 pour 1000 naissances en 2007 à 8,5 pour 1000 naissances en 2019. « Nous parvenons aujourd'hui à sauver beaucoup plus d'enfants de très petit poids de naissance ou de courtes durées de gestation, qui auraient auparavant été considérés comme des mort-nés, donc non comptés parmi les décès infantiles. Certains décèdent toutefois rapidement et pourraient ainsi gonfler le nombre de décès d'enfants », reprend Magali Barbieri. La moitié de ces cas concerne d’ailleurs des enfants de moins d'une semaine. Ainsi serait créée une augmentation « factice » de la mortalité infantile.
Des naissances à risque et des prématurés toujours plus nombreux
D’autres paramètres impactent également les statistiques de mortalité infantile. Les enfants nés de femmes plus âgées courent plus de risques que ceux nés de femmes plus jeunes. Justement, l’âge moyen de la mère à l’accouchement augmente continuellement en France (30,6 ans), tout comme la fécondité des femmes âgées de 40 ans ou plus, dite « tardive », qui représente aujourd’hui un quart des naissances. De même, les enfants issus de naissances gémellaires (gémeaux et triplés) courent plus de risques que ceux issus de naissances simples : près de la moitié des jumeaux naissent prématurés. Or, les naissances multiples ont doublé ces cinquantes dernières années (voir encadré). Résultat, en 2019, les prématurés représentaient 8 % des naissances en France, contre 6 % en 1995. Enfin, l’augmentation continue de la part des femmes enceintes fumeuses (22 %) ou en surpoids (20 %), rajoute d’autres facteurs de risques qui n’étaient pas présents auparavant.
Le système de santé pas en cause
De nombreuses voix ont récemment dénoncé les fermetures de maternité comme étant l'une des causes de la hausse de la mortalité infantile. « C’est discutable, car ce sont les petites maternités qui sont concernées par les fermetures. Or, la néonatalogie nécessite des équipements et des compétences particulières qui ne sont disponibles que dans les gros établissements hospitaliers. Fermer une maternité pour diriger les femmes vers des hôpitaux mieux équipés peut donc être nécessaire pour réduire la mortalité infantile », explique Magali Barbieri.
Les pistes sont donc nombreuses, mais le mystère n’est pas encore élucidé. D’autant que ces problèmes ne sont pas propres à la France, mais touchent le reste des pays européens, pourtant plus performants. Aux autorités de se pencher sur le sujet, pour discerner si nous sommes dans une mauvaise passe réelle, ou uniquement statistique.
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