Le forum économique des pharmaciens, qui vient de se tenir à Berlin*, a fait le point sur les effets de ces différents outils, pour lesquels les pharmaciens sont non seulement contributeurs, mais aussi collecteurs, puisqu’ils reversent aux caisses la participation toujours croissante des patients à leurs dépenses. Les assurés, hormis 7 millions d’exemptés pour raisons sociales, payent eux-mêmes 10 % de leurs médicaments, avec un minimum de 5 euros et un maximum de 10 euros par boîte, sauf si le médicament est un générique valant au moins 30 % de moins que la moyenne des médicaments de la même classe thérapeutique, ou une spécialité négociée dans le cas des achats contractualisés avec les caisses, qui dans ce cas sont gratuits pour les patients. En 2015, ces derniers ont payé en moyenne 2,80 euros par boîte, un montant qui progresse de 10 centimes par an. En 2015, 2,1 milliards d’euros ont ainsi été collectés par les pharmaciens au profit de l’assurance-maladie.
Rabais et forfaits
Pour leur part, les pharmaciens doivent accorder, sur chaque boîte vendue, une « remise » à l’assurance-maladie, dont le montant, révisé chaque année, est actuellement de 1,77 euro par boîte. Entre 2011 et 2013, ce rabais avait dépassé les 2 euros, ce qui avait gravement affecté l’économie des officines : la mesure avait été décidée, pour trois ans, dans le cadre d’un plan de rigueur destiné à restaurer les finances de l’assurance-maladie. Elle a permis, en 2015, de reverser 1,1 milliard d’euros aux caisses.
Toutefois, les mesures les plus efficaces concernent les forfaits de remboursement maximal par classe thérapeutique, qui rapportent actuellement 7,1 milliards, et les achats contractualisés de médicaments par les caisses, que les pharmaciens sont obligés de délivrer, et qui permettent d’économiser 3 milliards et demi. À cela s’ajoutent les « rabais » obligatoires consentis par les industriels et les grossistes.
Des prix réévalués en fonction du service rendu
Le forum a évalué les règles de fixation des prix des nouveaux médicaments, mises en place depuis 2012. Ceux-ci ne sont plus librement fixés par les industriels comme auparavant, mais font l’objet d’une évaluation, au plus tard un an après la mise sur le marché du produit, par une autorité spécialisée. Si le nouveau médicament ne parvient pas à démontrer son caractère réellement innovant, son prix peut être abaissé par les autorités au niveau des autres médicaments équivalents. Dans certains cas, le producteur dont le prix est refusé pour innovation insuffisante préfère retirer son produit du marché.
Ce système de fixation des prix pourrait ultérieurement associer les médecins praticiens dont l’avis n’est actuellement que consultatif. Par ailleurs, lors de la matinée consacrée à ce thème, le directeur de l’une des principales caisses de maladies du pays, la TK, a suggéré que les pharmaciens d’officine soient eux aussi associés aux procédures d’évaluation des prix des nouveaux médicaments en fonction du service rendu. Toutefois, et contrairement aux espoirs du gouvernement, le nouveau mécanisme n’a entraîné que des économies limitées, estimées à 540 millions l’an dernier, alors que les autorités en espéraient beaucoup plus. Il n’en reste pas moins que, depuis 2012, 55 % des nouveaux médicaments évalués ont été jugés trop peu innovants pour justifier leur prix, et seulement 12 molécules ont obtenu les meilleures évaluations, légitimant donc leur prix élevé. Pour l’industrie, ce mécanisme d’évaluation est arbitraire et « freine l’innovation », alors que les caisses et le gouvernement le jugent très positivement.
24,5 milliards euros d’excédents !
Comme il existe de nombreux autres outils de maîtrise dans toutes les autres branches de la santé, principalement pour la médecine libérale et les hôpitaux, tous ces instruments, combinés à des recettes en hausse grâce à la baisse du chômage, permettent à l’assurance-maladie de continuer à jouir d’une excellente santé : en 2015, elle dispose toujours de réserves et d’excédents se montant à 24,5 milliards d’euros.
Autre réforme récente mise en place, et menée à la demande des pharmaciens, l’obligation pour les hôpitaux de remettre une « ordonnance de sortie » à tous les patients est entrée en vigueur fin 2014. Cette ordonnance de sortie vise à éviter toute rupture des traitements entre la sortie de l’hôpital et la première consultation chez un médecin libéral, mais se limite à une semaine de traitements. Elle est particulièrement utile aux patients libérés en fin de semaine, et fonctionne à la satisfaction des pharmaciens.
Enfin, le forum a fait le point sur les projets de nouveaux services négociés entre les pharmaciens et plusieurs assureurs privés, dont AXA, qui pourraient bientôt bénéficier aux assurés de ces organismes. Il s’agit notamment des programmes de suivi pharmaceutique personnalisés et des plans de médications, cogérés par les pharmaciens et les médecins.
Le pharmacien plutôt que le smartphone.
Même si leur situation économique s’améliore depuis deux ans, les pharmaciens restent conscients que leur avenir passe par le développement de nouveaux services et de prestations. Ils devront aussi, relevait la conférence de clôture, traditionnellement consacrée à « la pharmacie dans dix ans », devenir des « coaches » capables de guider les patients à travers tout le monde de la santé. Comme le relevait un conférencier, « si vous ne le faites pas, les patients feront, dès 2020, plus confiance à leur smartphone qu’à leur pharmacien pour s’informer et se soigner ». Selon une étude récente, les pharmaciens continuent de sous-estimer gravement l’impact et l’influence d’Internet sur la manière dont les Allemands perçoivent leur santé et envisagent leurs soins.
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