LES PROGRÈS de la galénique concernent à part au moins égale des formes anciennes, traditionnelles, revisitées au regard des exigences propres aux nouveaux principes actifs, et des formes innovantes, plus adaptées aux besoins de la thérapeutique ou à la spécification de traitements ayant des indications toutes particulières. Chacun des grands domaines fondant la science de la formulation des médicaments a pu connaître ainsi sa propre révolution, qui n’est ici qu’envisagée au travers de quelques exemples.
N VOIE SYSTÉMIQUE
Voie orale.
Parmi les progrès les plus intéressants dans le développement des formes orales, il faut souligner le développement des systèmes autoémulsionnables (SELF = Self emulsifying drug delivery systems), formulés sans eau (mélange d’une phase lipidique et d’agents tensioactifs). Ces formulations lipidiques augmentent la biodisponibilité des substances actives lipophiles tout en améliorant leur stabilité. Lors de leur administration, la motilité gastrique agite le bol stomacal et induit une auto-émulsification, avec dispersion de très fines gouttelettes lipidiques. Le principe actif lipophile est enfermé dans les gouttelettes huileuses, d’une taille inférieure à 500 nm, qui le distribuent tout le long du tractus gastro-intestinal, en favorisant sa dissolution et son absorption. Un exemple particulièrement illustratif est celui de la ciclosporine, initialement présentée sous forme d’une simple émulsion (Sandimmun) avant de l’être sous une forme autoémulsionnable (Néoral) dont la biodisponibilité est améliorée tout en réduisant les variations cinétiques intra- et interindividuelles.
Voie parentérale.
Les progrès ont concerné essentiellement deux types de médicaments : les formes implantables et les formes injectables.
Près d’un quart de siècle après la commercialisation du premier implant (goséréline = Zoladex dans le traitement de cancers hormonodépendants), le concept a trouvé un intérêt tout particulier dans la contraception de longue durée : Nexplanon est un implant sous-cutané à base d’étonogestrel, actif pendant trois ans. Si ce système non biodégradable, doit être retiré une fois que tout le principe actif en a été libéré, d’autres dispositifs, biodégradables, n’ont pas lieu d’être enlevés : un exemple illustratif est celui de l’implant intralésionnel de carmustine (Gliadel), indiqué en traitement d’appoint du gliome malin et positionné après résection chirurgicale de la tumeur dans le cerveau où il agit pendant trois semaines.
Les injections parentérales à libération prolongée constituent des avancées importantes de la galénique, en favorisant l’observance du traitement antipsychotique, connue pour poser des problèmes récurrents chez le patient schizophrène. Ainsi, après la rispéridone LP efficace sur une période de deux semaines (RisperdalConsta), l’arsenal s’est étoffé avec la commercialisation de l’olanzapine injectable LP (ZypAdhera, administré toutes les 2 ou 4 semaines) puis celle de la palipéridone active sur une durée d’un mois (Xéplion). L’aripiprazole devrait à moyen terme, lui aussi, donner lieu à commercialisation d’une forme LP injectable.
Voie nasale.
Si la voie intranasale permet d’administrer des médicaments ayant une action au niveau nasal ou bronchique (vasoconstricteurs, antiallergiques, bronchodilatateurs ou anti-inflammatoires), la vascularisation de la zone turbinale explique qu’elle soit mise à profit pour un usage systémique : une fois pulvérisé et inhalé, le principe actif, résorbé par l’épithélium nasal, gagne le flux vasculaire avec un profil cinétique souvent proche de celui de la voie IV. Diverses techniques galéniques (microsphères mucoadhésives, promoteurs d’absorption) améliorent la biodisponibilité intranasale de certains médicaments.
La voie intranasale évite le premier passage hépatique ou entérique ; elle améliore l’efficacité de médicaments dont la biodisponibilité orale est réduite. Elle permet au patient, manipulant un dispositif simple et peu coûteux, de contrôler lui-même un traitement (dose, moment de l’administration) dont elle améliore l’observance. En revanche, cette voie ne permet pas le passage systémique de molécules trop grosses. L’administration intranasale connaît un succès que traduit la commercialisation de médicaments systémiques diversifiés :
- Antimigraineux. La crise de migraine s’accompagne souvent de vomissements : il est alors confortable d’utiliser la voie intranasale (sumatriptan = Imigrane et DHE = Diergospray).
- Endocrinologie. Les analogues de la vasopressine (desmopressine : Minirin spray) sont indiqués dans le traitement du diabète insipide et la nafaréline (Synarel) dans l’endométriose.
- Antalgie. Le fentanyl est décliné en plusieurs spécialités (Instanyl, Pecfent).
- Oncologie. Seule la buséréline (Suprefact nasal) est disponible en France dans ce type d’indication.
- Vaccins. Le vaccin grippal Fluenz a obtenu une AMM européenne : il stimule l’immunité bronchique comme un vaccin administré par voie parentérale.
Voie transcutanée (transdermique).
Conçu dans les années 1970, le système transdermique (TTS : « transdermal therapeutic system »), souvent appelé « patch », est appliqué sur la peau. Support ou véhicule à un principe actif destiné à exercer son action après passage à travers la barrière cutanée, il permet l’administration systémique, contrôlée et prolongée de médicaments insuffisamment actifs par une autre voie en raison notamment d’une mauvaise résorption ou d’une dégradation par effet de premier passage hépatique.
Ses avantages sont multiples : limitant les fluctuations nycthémérales de doses comme l’effet de premier passage hépatique pendant toute sa durée d’action (entre 1 et 7 J selon les indications et la nature du patch), il est bien accepté par le patient et discret, ce qui favorise l’observance du traitement. Le patch peut être retiré à tout moment s’il faut suspendre l’action du médicament. Par contre, tous les principes actifs ne peuvent être délivrés ainsi : la peau constitue une barrière infranchissable pour certains d’entre eux - notamment pour les molécules d’un certain volume -, les doses requises pour beaucoup de médicaments sont trop importantes, et certains principes actifs sont trop irritants localement ou impossibles à formuler sous une galénique adaptée.
Le passage transcutané du principe actif dépend de la qualité de la peau elle-même : âge, hydratation, épaisseur, intégrité, délipidation, température externe, etc.
Des médicaments toujours plus nombreux sont présentés sous forme de patchs : hormones (estradiol, lévonorgestrel - souvent associés -, testostérone), antalgiques (fentanyl), antiangoreux (trinitrine), antiparkinsonien (rotigotine), anti-Alzheimer (rivastigmine), neuromédiateurs (nicotine, scopolamine). Sont commercialisés dans d’autres pays des patchs de clonidine, buprénorphine, méthylphénidate, sélégiline, vitamine B12… De nouvelles classes thérapeutiques seront concernées dans le futur : antihypertenseurs, antidiabétiques, médicaments de neurologie, et peut-être même anti-infectieux comme la pyrimidinedione IQP-0410, un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase-inverse du VIH.
Voie vaginale.
La voie vaginale, utilisée pour délivrer un principe actif à visée systémique, permet d’éviter l’effet de premier passage hépatique. Si l’ovule reste une galénique classique, il faut souligner le développement des anneaux vaginaux utilisés pour administrer des traitements hormonaux, à visée contraceptive (anneau vaginal NuvaRing) ou substitutif post-ménopausique (anneaux Estring ou Femring, non commercialisés en France).
VOIE LOCALE
Voie cutanée.
Diverses formes galéniques sont destinées à induire une action locale, au niveau de la zone d’application. Des emplâtres thérapeutiques sont commercialisés dans diverses indications : un anti-inflammatoire non stéroïdien, le diclofénac, est ainsi décliné sous forme de compresse imprégnée maintenue sur l’articulation douloureuse (Flector Tissugel, Voltarenplast) ; un anesthésique local, la lidocaïne, est mis à profit pour calmer les douleurs neuropathiques zostériennes ou herpétiques (Versatis, Neurodol Tissugel) ; un glucocorticoïde, la bétaméthasone, est formulée en emplâtre dans le traitement de diverses dermatoses (Bétésil).
Par ailleurs, tous les patchs n’ont pas une action systémique. Le patch Emla (lidocaïne) constitue un dispositif occlusif à action anesthésique locale ; le patch Qutenza (capsaïcine) est destiné à obtenir une action antalgique purement locale sur certaines douleurs neuropathiques (il n’est laissé en place que peu de temps pour éviter toute toxicité systémique).
Voie ophtalmique.
La généralisation des formulations sans conservateur améliore significativement la tolérance des traitements ophtalmiques réalisés au long cours (traitement du glaucome notamment). La plupart de ces collyres sont conditionnés en récipients unidoses, prévenant la contamination après ouverture puisque la dose est jetée sitôt utilisée. D’autres sont présentés en récipients multidoses, leur contenu étant épuré par une membrane filtrante de 0,2 µm (système « Abak » : Naabak, Cromabak, Carteabak, Timabak…).
Mais le traitement des affections ophtalmiques a surtout tiré profit du développement des injections intravitréennes de médicaments antiangiogéniques indiqués dans le traitement de la DMLA (Macugen, Lucentis). Les implants intravitréens permettent de traiter durablement les affections oculaires sans devoir répéter des injections (ex : Ozurdex, dans le traitement de l’œdème maculaire par occlusion veineuse rétinienne).
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