1• Histoire et définition :
Parapharmacie : para, préfixe grec signifiant « à côté de » et pharmacie, emprunt au latin médical signifiant « ensemble des médicaments ».
Littéralement, la parapharmacie désigne les produits vendus « à côté des médicaments ». Plus précisément « devant le comptoir », à la différence des produits placés « derrière le comptoir » inaccessibles aux clients ». Le Code de la santé publique ne donne aucune définition de ce terme, mais établit une liste positive des marchandises dont les pharmaciens peuvent faire le commerce.
Parmi les produits échappant au monopole, cette liste incorpore « les produits cosmétiques et d’hygiène corporelle ». Les crèmes Roc, Biotherm, Phas, les couches pour bébés, les cotons tiges, etc. sont pourtant exclusivement distribués en officine jusqu’au début des années quatre-vingt. Les laboratoires les commercialisant ont des exigences qualitatives auxquelles répond le réseau officinal.
L’article L.5131-1 du Code de la santé publique donne en effet une définition rigoureuse des produits cosmétiques « destinés à être mis en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain, notamment l’épiderme, les systèmes pileux et capillaire, les ongles, les lèvres, les organes génitaux externes, ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles ». Pas très glamour ! Mais un potentiel de séduction que Michel-Edouard Leclerc et son père veulent attirer sous leur enseigne.
Les ménages français consacrent une partie de plus en plus large de leur budget à l’hygiène et à la santé. En 1984, le centre E. Leclerc de Dammarie-les-Lys ouvre ses portes et inaugure son premier rayon de parapharmacie. On y trouve des shampoings salicylés Ducray, des crèmes Vichy, etc. affichant des prix 20 % plus bas que dans les officines. L’offensive est lancée à grand renfort de campagnes de communication et de recours devant les tribunaux. Fabricants et syndicats professionnels tentent de défendre une distribution sélective.
En 1989, la Cour d’appel de Paris interdit aux fabricants de ne vendre leurs produits qu’aux officines. La même année, E. Leclerc implante sa première parapharmacie à Poitiers et lance son concept « La Parapharmacie ». Parmi les résistants, les laboratoires Pierre Fabre maintiennent des clauses restrictives. À tort ! Dans un récent contentieux, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé en 2013 que « la clause exigeant la présence sur le lieu de vente d’un diplômé en pharmacie présente un caractère disproportionné et illicite ».
2• Législation :
Face à l’agressivité des grandes surfaces, la capacité de réplique des pharmacies est restreinte. Même lorsqu’il s’agit de vendre une brosse à dents ou un savon, le pharmacien n’est pas un commerçant à la même enseigne que ses concurrents. « Bien que ne relevant pas du monopole pharmaceutique, les produits de parapharmacie restent inclus dans le champ des obligations déontologiques », souligne Guillaume Fallourd, avocat au barreau de Chartres. Inventaire des 10 conséquences pratiques :
- Animations : il est exclu de faire intervenir une diététicienne, une maquilleuse ou un masseur afin d’organiser des ateliers dans le cadre d’animations. L’article R.4235-67 est explicite, le pharmacien ne peut pas mettre « à la disposition de personnes étrangères à l’officine, à quelque titre que ce soit, onéreux ou gratuit, tout ou partie de ses locaux professionnels pour l’exercice d’une autre profession ».
- Cadeaux : les petites attentions sont permises tant qu’elles restent « de valeur négligeable », c’est-à-dire en dessous de 30 euros.
- Cartes de fidélité : au nom de la pharmacie ou d’un groupement, elles sont interdites, même lorsqu’elles concernent uniquement sur les produits de parapharmacie. De telles cartes portent atteinte au principe du « libre choix du pharmacien ».
- Chiffre d’affaires : les recettes générées par la parapharmacie sont prises en compte dans le chiffre d’affaires total déterminant le nombre d’adjoints obligatoires dont le titulaire doit se faire assister. Même si la vente de parapharmacie peut être accomplie par toute personne de l’équipe officinale.
- Prix : ils sont librement fixés. L’article R.4235-65 du Code de la santé publique impose cependant de procéder « avec tact et mesure ». S’agissant de l’affichage, les règles générales de la concurrence s’appliquent : le prix doit apparaître sur le linéaire ou sur chaque produit. L’étiquette doit indiquer le prix unitaire du produit, ainsi que son prix de vente au kilogramme ou au litre, ou au millilitre pour les produits de faible contenance et de forte valeur.
- Publicité : l’exploitation du fichier clients de la pharmacie pour envoyer des messages ciblés tels que des conseils, des invitations, des promotions constitue de la sollicitation de clientèle déontologiquement incorrecte. La même réserve s’applique à l’égard des fiches conseils revêtant un caractère publicitaire sur les produits et les prix pratiqués dans l’officine.
- Remises et ristournes : accorder à un client régulier -10 % sur ses achats de para, c’est contraire à l’article R.5125-28.
- Soins esthétiques : pas question d’aménager dans l’officine une cabine proposant des séances d’épilation, des soins corporels et du visage. Si les textes prévoient la vente de produits d’hygiène et de cosmétologie, ils ne visent pas la pratique de soins esthétiques.
- Sollicitation de clientèle : elle est inhérente à tout exercice commercial. Prétendre que le Code de la santé publique interdit la sollicitation de clientèle est inexact. L’article R.4235-22 ne condamne la sollicitation de clientèle que si cette dernière utilise « des procédés et moyens contraires à la dignité de la profession ».
- Ventes par lots et promotions : elles sont autorisées, « à condition de ne pas communiquer au moyen d’accroches du type braderie, prix allégés, liquidation, -20 % sur la para. Seule la publicité sur les prix, au moyen de l’étiquetage, impose d’indiquer sobrement le prix de référence, le prix réduit, et la durée de la promotion » conclut Guillaume Fallourd.
3• Les médicaments en libre accès s’invitent devant le comptoir :
Depuis 2008, les pharmaciens sont autorisés à vendre en accès direct des médicaments dits de « médication officinale ». La liste est intégralement disponible sur le site de l’ANSM.
Si l’objectif est de favoriser la concurrence par le jeu de la liberté des prix, il n’est pas d’inciter à une consommation abusive. Seule une séquence thérapeutique, soit une boîte d’un médicament, peut être remise au patient. La vente par lots et les offres promotionnelles sont exclues.
À l’instar de tout médicament dont la dispensation ne requiert pas une prescription médicale, un devoir particulier de conseil s’impose. Le choix opéré par le client ne désengage pas la responsabilité de l’équipe officinale. « Libre accès » ne signifie pas « libre service » !
Article précédent
Les laits font de la résistance à l’officine
Article suivant
Quand la para surfe sur le Web
Les laits font de la résistance à l’officine
La para, c'est quoi ?
Quand la para surfe sur le Web
Soins, hygiène, beauté, les stars de la para
La concurrence fourbit ses armes
Vendre de la para 24 heures sur 24
Pourquoi les DM doivent rester en pharmacie
Comment la nutrithérapie a gagné ses lettres de noblesse
« chaque point de vente emploie un pharmacien »
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion