Les médecins estiment que la collaboration avec les pharmaciens est insuffisante selon un rapport de la Drees publié en octobre 2017. Une position qui interpelle certains officinaux, car eux-mêmes avouent rencontrer des difficultés pour communiquer avec les médecins. Expérimentation des cercles de qualité, adoption de la dispensation protocolisée, mise en place des communautés professionnelles territoriales en santé (CPTS) la relation médecins-pharmaciens est au cœur de nombreux projets visant à améliorer le fonctionnement du système de santé. Quelque peu étonnée par les conclusions du rapport de la Drees, Atoopharm, entreprise spécialisée dans le conseil aux équipes officinales, a consacré une conférence à ce sujet lors du salon PharmagoraPlus, le 30 mars à Paris. L’occasion d’aborder les importants bénéfices que peut engendrer une collaboration efficace entre un cabinet médical et une officine.
Dans l'Orne, une relation qui fonctionne bien
À Berd’huis, village de l’Orne de 1 100 habitants, le Dr Yann Le Flohic et Irène Bacle, titulaire de l’unique officine de la commune, travaillent en lien direct depuis plusieurs années. En 2014, alors qu’Irène Bacle était encore adjointe, des réunions sont mises en place tous les deux mois pour évoquer les retours d’expérience de chacun. « Les patients ne disent pas forcément la même chose à leur médecin qu’à leur pharmacien, observe Irène Bacle. Ces réunions nous ont permis de confronter nos points de vue pour élaborer un message commun et cohérent ». Des réunions en soirée auxquelles se joignent parfois d’autres professionnels de santé et qui ont permis à tous de mieux se connaître. Aujourd’hui, Irène Bacle n’hésite pas à appeler le Dr Le Flohic sur son portable lorsqu’elle a besoin d’une précision sur une ordonnance. « Pour ne pas trop impacter la gestion du temps de chacun, nous nous laissons également des notes », précise l’officinale. Cette relation de complémentarité est notamment très utile pour gérer les urgences. « Un samedi alors qu’il était bientôt midi, les parents d’un enfant qui présentait les signes d’une scarlatine sont venus me demander conseil. J’ai tout de suite appelé le Dr le Flohic pour voir s’il pouvait le prendre en consultation. Sans quoi, les parents auraient certainement trouvé porte close et se seraient rendus aux urgences pédiatriques », détaille Irène Bacle. La titulaire reconnaît néanmoins que l’organisation des réunions, notamment, s’avère chronophage. « C’est moi qui initie ces réunions, cela prend du temps et je ne suis pas rémunéré pour ce temps. Il faut définir des sujets qui intéresseront les professionnels de santé, pour les inciter à venir. Ce n’est pas évident mais la satisfaction des patients est au rendez-vous. »
« Les pharmaciens ne m'appellent pas trop »
À Soorts-Hossegor, sur la côte landaise, le Dr Sabrina Morlaès connaît bien la problématique de la collaboration médecins-pharmaciens. Cette généraliste a en effet consacré une thèse à ce sujet, en se focalisant sur la prescription. Un travail qui doit son origine à un constat personnel. « Ma sœur est pharmacienne et nous avions beaucoup de mal à discuter. L’animosité qu’il y avait entre nous m’a poussé à dresser un état des lieux. » Elle rencontre alors plusieurs pharmaciens de sa région et compare leur vision avec celle de ses confrères et consœurs. Son constat n’est pas franchement positif : « Quand un pharmacien contacte un médecin c’est essentiellement pour des questions d’ordre administratif, il y a très peu de questions de fond, regrette le Dr Morlaès qui estime également que l’officinal se sert trop souvent du patient « comme d’un messager, au lieu de prendre contact directement avec le médecin à l'origine de l’ordonnance ». Dans son exercice quotidien, le Dr Morlaès a parfois été déçu par ses échanges avec les officinaux. « J’attends parfois d’eux qu’ils me conseillent sur certains sujets. Mes connaissances sont limitées sur les collyres par exemple, lorsqu’un pharmacien m’appelle pour me parler d’un patient qui est concerné, j’attends qu’il me fasse des propositions et c’est rarement le cas. » La généraliste landaise ne se montre pas très optimiste : « J’ai donné mon numéro de portable à plusieurs officines, cela fait 3 ans que j’essaie mais on ne m'appelle pas trop. »
« Mettre son ego de côté »
La question générationnelle revient souvent lorsqu’on évoque les difficultés que rencontrent médecins et pharmaciens pour mieux collaborer ensemble. La clef viendra-t-elle de la jeunesse ? Guillaume Racle, premier vice-président en charge des perspectives professionnelles à l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) y croit fermement : « Un nouveau module a été intégré durant la première année d'études communes en santé, pour faire connaître aux étudiants le fonctionnement du système dans son ensemble. Le manque de compréhension du travail de l’autre c’est le principal frein qui empêche une bonne coopération. » Des étudiants qui, peu importe la spécialité médicale qu’ils choisiront ensuite, sauront se souvenir de ces échanges conviviaux en première année. « Si on commence à coopérer ensemble au moment des études, pourquoi ne pas continuer après ? », questionne l’étudiant, actuellement en 5e année à l’université d’Amiens. Si des expérimentations autour de projets protocolisés sont bien sûr indispensables, des mesures de bon sens pourraient aussi favoriser une meilleure compréhension entre médecins et pharmaciens comme a souhaité le rappeler Marie-Hélène Gauthey, directrice générale d’Atoopharm. « Il ne faut pas hésiter à aller vers les autres, en laissant un peu son ego de côté. C’est important de connaître les visages, de mieux connaître les difficultés de chacun, notamment sur le plan administratif. Boire un café ensemble, cela peut être un bon point de départ pour une meilleure coopération ».
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