La France n’est pas encore à la pointe de la démocratie sanitaire, mais elle amorce le virage. La Haute Autorité de santé (HAS) ouvre l’ère de la prise en compte de la parole du patient. Depuis plusieurs années, la représentation des usagers est une réalité dans plusieurs de ses instances, comme la commission de certification des établissements de santé ou la commission d’évaluation économique et de santé publique. « Ces représentants associatifs qui siègent dans les commissions de la HAS ont d’ailleurs un statut d’expert depuis 2008 », précise Agnès Buzyn, présidente de la HAS.
Aujourd’hui, l’intégration des patients prend une nouvelle tournure avec l’expérimentation qui vient de commencer sur leur participation à l’évaluation des produits de santé en vue du remboursement par l’assurance-maladie et de la fixation de prix par le Comité économique des produits de santé (CEPS). Désormais, chaque évaluation d’un nouveau médicament ou dispositif médical sera l’occasion pour eux d’exprimer leur point de vue, à travers un questionnaire type – élaboré à partir d’expériences étrangères réussies – pour obtenir un point de vue formalisé. Les patients indiquent ainsi la façon dont ils vivent la maladie, son impact sur leur vie quotidienne et leur entourage, leur vécu du parcours de soins, leur opinion sur les traitements et le produit évalué. Cette contribution sera transmise aux commissions évaluant les produits de santé au sein de la HAS et fera partie des éléments sur lesquels s’appuie l’évaluation, tels l’analyse de données cliniques ou en vie réelle, les données médicoéconomiques, l’expertise scientifiques d’experts, etc. Depuis la semaine dernière (voir encadré), la HAS publie, sur son site Internet, la liste des produits pour lesquels la contribution des associations de patients et d’usagers est attendue. Un bilan de cette expérimentation sera réalisé au bout de six mois de fonctionnement.
Satisfaction des malades
Ce projet n’est pas le premier de la Haute Autorité de santé en faveur d’une réelle démocratie sanitaire. Ainsi, depuis septembre 2015 chaque patient hospitalisé peut donner son avis sur son séjour dans un hôpital ou une clinique en France grâce à un questionnaire de satisfaction sécurisé en ligne. « Nous intégrons de facto la notion de satisfaction des malades après leur hospitalisation aux indicateurs de qualité des soins dans les établissements », explique Agnès Buzyn. Cette enquête nationale nommée e-Satis mesure en continu l’expérience et la satisfaction des patients qui ont été hospitalisés plus de 48 heures dans l’un des 1 493 hôpitaux ou cliniques ayant une activité de médecine, chirurgie ou obstétrique. L’adresse électronique du patient lui est demandée lors de son admission et le questionnaire – sécurisé et anonymisé – lui est adressé deux semaines après sa sortie. Il peut ainsi donner son avis sur l’accueil de l’établissement, sa prise en charge (information, délais d’attente, respect de l’intimité/confidentialité, gestion de la douleur, etc.), sa chambre et les repas, l’organisation de sa sortie. Les établissements reçoivent en continu les résultats des questionnaires afin d’identifier leurs points forts et leurs points faibles. « Cette mesure de satisfaction est un outil complémentaire aux autres indicateurs de la HAS qui permettent déjà aux équipes depuis plusieurs années de suivre les processus mis en place pour garantir la qualité et la sécurité des soins », ajoute la HAS. En parallèle, un score de satisfaction globale par établissement sera rendu public sur le site www.scopesante.fr fin 2016.
Un engagement croissant
La HAS a également mis en place la méthode dite du patient traceur, qui repose sur une analyse rétrospective de la prise en charge d’un patient à partir de son expérience et de celle de ses proches, ainsi que de celle de l’équipe soignante. « Cette investigation s’intéresse à la totalité du parcours d’un patient depuis son admission jusqu’à sa sortie ; le visiteur-expert va apprécier la qualité de la coordination entre les différents professionnels au sein de l’établissement, entre les différents secteurs, et dans le service du patient », souligne Michel Troadel, médecin et visiteur-expert pour la HAS. Annie Morin, représentante des usagers, présidente du CISS Languedoc-Roussillon et membre de la commission de certification des établissements de santé de la HAS, apprécie cette méthode. « Elle prend en compte les perceptions du patient et les croise avec ce que les professionnels ont réalisé ou peut-être ont cru réaliser. Le dossier n’est plus la seule pièce maîtresse pour apprécier la qualité de la prise en charge, le patient est considéré comme un acteur à part entière, ce n’est plus une personne passive. » Et concrètement, son avis peut faire basculer une décision de certification : « Une recommandation peut devenir une obligation d’amélioration. » Une enquête de la HAS sur les pratiques d’implication des représentants d’usagers dans la certification, rendue publique le mois dernier, montre d’ailleurs « une participation et un engagement croissants dans le processus, mais une valorisation insuffisante », indique Véronique Ghadi, chef de projet à la direction de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins à la HAS. Selon les équipes des établissements de santé qui ont passé la certification et les visiteurs-experts, l’utilité de la contribution des usagers ne fait aucun doute, mais ces derniers restent dubitatifs, car ils ne connaissent pas l’impact concret de leur avis sur la certification. Un écueil sur lequel la HAS est en train de réfléchir. « Nous avons commencé à travailler avec les représentants d’usagers, et nous allons continuer, mais nous allons aussi nous tourner vers la collaboration directe avec les patients. »
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