Si vous visitez la Savane des esclaves, dans la commune des Trois-Ilets à la Martinique, vous y découvrirez des plantes médicinales utilisées par les esclaves. Devenus libres, ces derniers ne pouvaient compter que sur eux-mêmes, pour se nourrir et se soigner. La connaissance des plantes et de leurs vertus thérapeutiques était indispensable pour survivre.
Qu'est devenu ce savoir, et comment exploiter cette biodiversité à l'heure de l'industrialisation pharmaceutique ? Pour répondre à ce constat, le secteur caribéen s'est doté d'un programme de recherche ambitieux, le TRAMIL, dont l'objectif est de transmettre l'usage populaire des plantes médicinales dans la Caraïbe. « Le réseau TRAMIL est né dans les années quatre-vingt, pour recenser et valoriser les pharmacopées traditionnelles, afin d'intégrer les éléments valides dans les systèmes de santé primaire », explique Emmanuel Nossin, pharmacien au Prêcheur (Nord-Ouest de l'île) et ethnobotaniste.
La médecine traditionnelle, un gage d'équité et d'accessibilité
L'OMS (Organisation mondiale de la santé) elle-même encourage la valorisation des médecines traditionnelles, à travers une collaboration renforcée entre médecins et tradithérapeutes. Cette démarche d'intégration est inscrite dans la stratégie OMS 2014-2023, avec le souci d'établir la sécurité et l'efficacité, de contrôler les pratiques et d'opposer une information validée scientifiquement. Une nécessité également, pour les populations qui ont un accès réduit à la médecine conventionnelle, et aux médicaments de synthèse. « Par exemple, les études réalisées ont permis de conclure que 10 grammes de la racine de Xanthium strumarium présentaient un effet diurétique équivalent à 20 g de furosémide. Un médecin cubain, guatémaltèque ou haïtien peut prescrire l'alternative traditionnelle validée scientifiquement, dès lors que l'accès au furosémide est limité », détaille le pharmacien martiniquais. Les pharmacopées locales se sont ainsi enrichies des savoirs traditionnels. Un travail de recueil fastidieux, réalisé par les ethnopharmacologues. « Au sein du réseau TRAMIL, nous avons parcouru les lieux habités et mal desservis du bassin caribéen ; Honduras, Guatemala, Cuba, Saint-Vincent et Saint-Domingue… », commente Emmanuel Nossin. Près de 365 plantes ont été retenues et ont fait l'objet d'analyse et de travaux approfondis dans les différents centres universitaires caribéens, dont l'Université des Antilles.
Les soignants disposent d'un référentiel : la pharmacopée
Grâce aux efforts fournis, la Pharmacopée végétale caribéenne est aujourd'hui une réalité (3e édition) et les soignants disposent d'outils pour utiliser dans un cadre sécurisé les ressources locales. Douze pays de la zone ont officiellement adopté cette pharmacopée et les facultés de médecine et de pharmacie forment les étudiants à l'utilisation de ce référentiel. En outre, le réseau TRAMIL édite un ensemble d'ouvrages très pratiques, à l'attention des professionnels de santé, comme « Le Guide pratique des remèdes traditionnels de plantes médicinales caribéennes ». « Un petit territoire comme la Martinique dispose d'une biodiversité de 3 500 plantes. En comparaison, la métropole, beaucoup plus grande, en comptabilise 4 500. L'objectif est aujourd'hui d'introduire les plantes de la Pharmacopée caribéenne à la Pharmacopée franco-européenne. Dernièrement, une liste d'une cinquantaine de plantes a été proposée. » Pour les pharmaciens d'officine qui exercent en Martinique comme Emmanuel Nossin, le recours à cette richesse végétale et locale est une opportunité pour les habitants, mais impose de se former. Qu'il s'agisse de médicaments de synthèse ou de plantes, des recommandations sont incontournables, tant sur la qualité du produit que sur son utilisation.
Laboratoire Phytobokaz : la médecine traditionnelle est sa raison d'être
Né de cette volonté d'apporter une solution fiable et accessible en s'appuyant sur les ressources locales, le laboratoire Phytobokaz propose aujourd'hui des produits phytocosmétiques et des compléments alimentaires issus de la flore caribéenne et distribués dans les pharmacies antillaises. Un de ses fondateurs, Henry Joseph, est pharmacien en Guadeloupe. Cette initiative n'est pas isolée, comme l'indique Emmanuel Nossin : « à Cuba, on fait des gélules de Petiveria alliacea contre le diabète de type 2. Au Costa Rica, on trouve des gélules de Justica pectoralis contre l'anxiété. »
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