Dans un rapport de 1998 sur l’iatrogénie médicamenteuse, les auteurs soulignaient déjà l’utilité « des piluliers préparés par l’infirmière » pour éviter les erreurs de médicaments ou de posologies chez les personnes âgées.
Vingt ans après, la lutte contre l’iatrogénie se poursuit ; elle s’accélère même. Les piluliers ont laissé leur place à des systèmes de PDA (préparation des doses à administrer) plus sophistiqués et plus performants. La technologie s’est mise au service de la sécurité et de la traçabilité, deux notions fondamentales en pharmacie. L’objectif est de réduire les accidents évitables liés aux médicaments, tout en générant des économies pour la collectivité.
Des causes identifiées et évitables
Selon le ministère de la Santé, 128 000 hospitalisations par an ont une origine médicamenteuse. Le nombre de décès consécutifs à l’iatrogénie oscille entre 8 000 et 12 000 par an, soit 2 à 3 fois plus que le nombre de tués sur la route. La population âgée est la plus vulnérable. Les patients de plus de 75 ans, estimés à 6 millions en France, prendraient en moyenne 4 médicaments par jour.
La polymédication apparaît comme une des principales causes de l’iatrogénie, et est à l’origine d’erreurs de prises, d’oublis ou d’interactions. La multiplication des intervenants et l’absence de concertation entre eux majorent le risque d’incompatibilité et de confusion.
« Nous avons calculé qu’en EHPAD, il y avait au moins 3,5 intervenants par patients, qu’il s’agisse du généraliste ou des spécialistes. La PDA est aujourd’hui le seul moyen qui permet de travailler sur l’ensemble des prescriptions pour aboutir à un plan de distribution et de posologie compatible avec le patient, avec son poids, ses paramètres biologiques », explique Jean-Luc Fournival, pharmacien à Grenoble et président de l’UNPF*.
En première ligne, le dispensateur tient un rôle crucial dans la rationalisation des traitements. « Le pharmacien peut repérer les personnes âgées ou en situation de fragilité. Lors de la dispensation, de nombreux indices permettent d’identifier une mauvaise observance ou des erreurs de prise », explique Marcelline Grillon, pharmacien et présidente du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens du Centre. En somme, l’intervention du pharmacien doit réduire ces causes d’iatrogénie évitables, et la PDA est une arme supplémentaire pour y arriver.
La règle des 5B
Pour Olivier Foubet, directeur commercial chez Distraimed (système Oreus), « la PDA est vraiment la solution pour que le patient prenne le bon médicament, au bon moment et dans les bonnes conditions ». Une des forces de la PDA est le contrôle régulier à toutes les étapes de la production, de la prescription à la distribution.
« Ces contrôles successifs permettent de réduire le risque d’erreur. La PDA vise à garantir la règle des 5B : bon résident, bon médicament, bonne dose, bon horaire de dispensation et bon suivi », souligne Elena Fernandez, directrice commerciale chez HD Medi. Si jusqu’à présent cette pratique était privilégiée pour les maisons de retraite et les EHPAD, elle tend à se démocratiser pour les patients à domicile, comme le confirme Sylvie Manzano, de Robotik Technology : « de plus en plus de patients âgés vivent chez eux. La PDA est une réponse pour maintenir l’autonomie en toute sécurité. Dans ce but, nous développons actuellement une E Box qui permet de tracer l’observance du traitement ».
Si chaque fabricant propose des outils de PDA avec des particularités techniques propres (on peut citer également Damsi, Praticdose, Multiroir) à des prix très variables, tous visent un objectif commun : la sécurité du patient.
Le cerveau du pharmacien, la rigueur des robots
Fort de son expérience de la PDA, qu’il pratique depuis plusieurs années, Jean-Luc Fournival a récemment publié un livre blanc « pour une PDA maîtrisée et sécurisée en EHPAD », dans lequel il livre une analyse précise sur l’intérêt de cette démarche pour lutter contre la iatrogénie.
« Pour aboutir à une réelle diminution du taux d’erreur, la production ne suffit pas. C’est une étape, mais elle doit être précédée d’une lecture critique des prescriptions. Celle-ci doit mener à une concertation pharmaceutique afin de lever d’éventuelles incompatibilités, entre les médicaments mais aussi vis-à-vis du patient. On élimine ainsi une source d’iatrogénie importante ».
La PDA conduit le pharmacien à un modèle de dispensation différent, qualifié de pharmacie clinique. « Concernant la production des PDA, la robotisation permet de faire tomber le taux de non-conformité des doses préparées à 2 pour mille, alors que le taux d’erreur avec le procédé manuel est estimé à 15 % », souligne Jean-Luc Fournival. Pour contrôler les sachets préparés, deux modes de contrôle sont croisés.
Le contrôle par flasheuse, système qui photographie les sachets et vérifie la conformité de leur contenu par rapport à la prescription, couvre 95 % de la production. Il est complété par un contrôle humain, visuel, pour 10 % de la production.
La chaîne vertueuse de la PDA
La dernière étape consiste à contrôler la délivrance du sachet au chevet du patient. Les codes barres inscrits sur les préparations de doses permettent de valider l’identité du destinataire du traitement, et de contrôler le contenu du sachet.
« En cas de doute sur un médicament, l’infirmier peut vérifier instantanément que le comprimé donné correspond bien à celui prescrit, en consultant la base de données médicamenteuse. C’est une opportunité supplémentaire de corriger une erreur ».
La PDA ne se résume donc pas à la simple production de sachets de médicaments individualisés. Elle correspond à une chaîne vertueuse, fondée sur des procédures rigoureuses, qui permet de réduire l’iatrogénie de 35 à 40 %.
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