Le Quotidien du Pharmacien.- Ces 20 dernières années, la définition même de ce que l’on appelle la classe des seniors a-t-elle significativement changé ?
Hervé Sauzay.- Ce qui a changé surtout, c’est que les seniors sont en bien meilleure santé qu’avant. L’espérance de vie gagne trois mois par an. En revanche, il faut noter que l’espérance de vie en bonne santé, elle, ne progresse pas. Elle est, respectivement pour les hommes et les femmes, de 62 et 63 ans, alors que leurs espérances de vie à la naissance conservent 6 ans d’écart.
Les Français sont donc globalement en meilleure santé et vivent plus longtemps. Pour autant, c’est toujours en moyenne autour de l’âge de 73 ans que débutent leurs premiers gros soucis de santé. À partir de cet âge, les Français commencent à organiser leur vie en fonction de l’affection qui les touche.
Les seniors d’aujourd’hui ont aussi plus de revenus qu’avant et ils bénéficient d’un niveau d’instruction et d’information plus élevé que leurs parents. Ce qui fait des patients plus experts et plus avertis.
À quel âge devient-on senior ?
Seuls les gens de marketing disent qu’on devient senior à 50 ans. Pour les pharmaciens et les autres professionnels de santé, il est plutôt question de les définir par un âge supérieur à 60 ou 65 ans, qui coïncide souvent avec le passage à la retraite. C’est ce que j’appelle la troisième mi-temps de la vie, une période qui se prépare avec un peu de réflexion.
Cependant un Français sur deux ne prépare pas sa retraite. C’est ainsi que de nombreuses affections psychologiques, voire psychosomatiques, font leur apparition au moment de la cessation d’activité, surtout si celle-ci n’a pas été correctement anticipée.
Quelles sont aujourd’hui les priorités des seniors ?
Arrivés à l’âge de la retraite, leur priorité est de vivre bien les 25 années qu’ils ont devant eux ; sachant que l’espérance de vie à cette période est en moyenne de 22 ans pour les hommes et de 27 ans pour les femmes. Par comparaison, lorsque le journal « Notre temps » a été créé (Par Hervé Sauzay, NDLR) en 1968, à l’âge de la retraite on avait en moyenne 8 ans d’espérance de vie, notamment parce qu’on la prenait plus tard et qu’on mourrait plus jeune.
Ce qui compte aujourd’hui pour les seniors, c’est de concevoir une vie qui ait du sens et pas de combler un vide de façon maladroite. Au rang des grands besoins communs à tous les types de seniors, les pauvres comme les riches, les urbains comme les ruraux, les jeunes seniors comme les plus vieux, est avant tout le besoin de rester en relation. On est heureux que si on est en lien avec quelqu’un, conjoint, enfants, famille, amis, association…
Le deuxième grand besoin est de rester utile. On n’a d’intérêt à vivre que si on rend service à quelqu’un d’autre. Ce qui explique notamment que nous avons une génération de seniors qui affirme l’expression de son utilité dans la générosité. Ainsi, un senior sur deux est membre d’une association. Les seniors sont à cet égard les amortisseurs affectifs et économiques de la crise. Économiques parce qu’ils transmettent aujourd’hui 30 milliards d’euros par an aux générations plus jeunes.
Affectifs, car ils s’occupent désormais beaucoup plus de leurs petits-enfants que leurs propres parents le faisaient, notamment à cause du nombre croissant de divorces qui place les familles dans des situations difficiles. Rappelons qu’aujourd’hui, un enfant sur trois vit dans une famille monoparentale.
Le troisième besoin ressenti par les seniors, c’est rester en bonne santé. Mais ce n’est pas un besoin déconnecté de la réalité. Il s’agit plutôt pour eux de rester en bonne santé pour faire ce qu’ils ont envie de faire, se réaliser.
Comment peut-on définir leur rapport à la santé en général, et aux soins en particulier ?
Je le disais à l’instant : pour les seniors, la santé est avant tout un moyen. Ce n’est clairement pas un objectif ou une fin en soi. Quant au rapport au soin, nous avons mené une étude à l’IFS pour le compte du LEEM qui montre notamment que les seniors entretiennent un lien de confiance extrêmement fort avec leur médecin et leur pharmacien. Au-delà, le pharmacien est non seulement un professionnel qui rassure et informe, mais il est aussi un compagnon au quotidien. Il contribue en cela au lien social.
Concernant les médicaments, les seniors en ont une image plutôt positive. 86 % des plus de 75 ans prennent des médicaments plusieurs fois par jour. Les médicaments sont pour eux tout à la fois des compagnons de vie, une obligation, une aide et un moyen de vivre mieux…
Pour autant, si plus de la moitié d’entre eux pratiquent l’automédication, ce taux a tendance à baisser avec l’âge. Seulement 56 % des plus de 75 ans s’automédiquent. Par ailleurs, si 92 % sont prêts à ce que leur pharmacien révise leur ordonnance, ils sont 75 % à se dire prêts à renoncer à un médicament sur les conseils de leur pharmacien au motif qu’il aurait un effet néfaste sur les autres traitements.
Parce qu’au moins un tiers des seniors connaît un problème de santé, leur pharmacien occupe une place importante dans leur vie. Le lien de confiance qui les lie à ces professionnels est très fort.
Les seniors sont-ils fidèles et attachés à leurs professionnels de santé ? À leur pharmacien ?
Je n’ai pas de chiffres précis sur cet aspect, mais il est patent que les Français sont très fidèles à leur officine et à leur pharmacien.
Les seniors sont-ils désormais connectés ?
Il existe à cet égard une vraie fracture numérique. Au-delà de 75 ans, sauf exception, ils sont peu, voire très peu à être connectés. En dessous de cet âge, on observe chez les seniors une pratique d’Internet comparable à celle des Français en général, mis à part la fréquentation des grands réseaux sociaux généralistes qui ne les intéresse pas beaucoup.
En revanche ils sont adeptes des réseaux sociaux spécialisés sur les thématiques de santé (Doctisimo) ou de voyages (Tripadvisor). Pour vous donner un chiffre : 13 millions des plus de 50 ans sont des internautes réguliers plus de 12 heures par semaine.
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