Entre les premières discussions sur le sujet et le feu vert du Conseil d’État, il aura fallu 6 ans pour que les pharmaciens français aient le droit de vacciner contre la grippe.
En 2011, l’Académie nationale de Pharmacie, interrogée par la Direction générale de la Santé, s’était déclarée favorable à la vaccination en officine et l’IGAS (Inspection générale des Affaires sociales) avait suggéré que les pharmaciens de ville puissent pratiquer certaines vaccinations de façon à améliorer la couverture vaccinale. Dans des conditions bien déterminées, en complément et en liaison avec les autres professionnels de santé, comme cela se pratique déjà ailleurs, comme en Tunisie. Marisol Touraine ne l’a cependant proposé qu’en 2014 dans son projet de loi de santé… sans succès. Il s’agissait alors d’autoriser les pharmaciens à vacciner les adultes dans le cadre de rappels. Finalement, l’Assemblée nationale a donné son feu vert en octobre dernier, mais l’amendement de la députée PS, Michèle Delaunay, rapporteur pour l’assurance-maladie, concerne le seul vaccin antigrippal. Et l’autorisation accordée aux pharmaciens vaut à titre expérimental durant une phase test de 3 ans dans des territoires qui restent à préciser.
Formation et local séparé
C’est désormais acquis puisque le Conseil d’État a donné son approbation tout en refusant le deuxième volet de l’amendement, proposé également en test : le stockage de vaccins antigrippaux dans les cabinets des médecins généralistes. Un décret fixera les conditions de cette expérimentation, notamment les modalités d’une formation spécifique des pharmaciens, indispensable selon l’Ordre. Autres mesures que ce dernier suggère pour accompagner le droit à vacciner : la mise à disposition d’un local particulier au sein de l’officine et l’information du médecin traitant du patient une fois l’acte réalisé. Le financement de la mesure doit être assuré par le fonds d’intervention régional et les personnes concernées devraient recevoir des bons valant prescription médicale. Enfin, le montant de la rémunération de l’acte de vaccination devrait faire l’objet de négociations avec les syndicats.
L'Ordre et l'Académie en soutien
L’Académie de Pharmacie suit de près le projet et organise même en mars prochain, dans le cadre de Pharmagora, deux conférences sur ce thème avec le Pr François Chast, chef du service de Pharmacie clinique des Hôpitaux universitaires Paris Centre et actuel président du CESPHARM.
Pour Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, la vaccination des adultes en officine s’impose d’autant plus aujourd’hui que la satisfaction des patients et l’augmentation de la couverture vaccinale dans tous les pays qui la pratiquent, sont indiscutables. « De nombreux décès et engorgements aigus du système de santé pourraient certainement être évités grâce à l’implication des pharmaciens français dans cette action de prévention ». L’UTIP n’avait pas attendu le vote de l’amendement pour proposer, dès 2015 à Reims, une journée intitulée « La vaccination à l’officine est en marche ». D’ailleurs, des formations ad hoc sont d’ores et déjà programmées durant toute l’année 2017 dans un très grand nombre de villes.
Opposition des médecins et des infirmier(es)
Même s’il est stipulé que les pharmaciens qui pratiqueront la vaccination seront volontaires et l’assureront en « complément et en liaison » avec les autres professionnels de santé, les syndicats de médecins libéraux s’y sont déclarés farouchement opposés. Selon la CSMF, pour faire grimper le taux de vaccination antigrippale, la solution ne réside pas dans la multiplication des lieux de vaccination. Pour son président Jean-Paul Ortiz, « c’est une idée contre-productive et inefficace… Les infirmières procèdent déjà à ces vaccinations et malgré cela la couverture continue de baisser ». Il faudrait plutôt « recentrer la vaccination sur le médecin traitant via des consultations dédiées à la prévention à des âges ciblés ». Pour MG France, « le problème, ce n’est pas le geste d’injecter, c’est de persuader la population que la vaccination est utile… Cette expérimentation ne sera pas décisive ».
Idem du côté des infirmier(e)s : « Pourquoi pas demain les pansements ? » s’insurge Daniel Guillerm de la Fédération nationale des Infirmier(e)s en évoquant un « fort lobbying des pharmaciens… » A suivre.
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