Selon Fabien Spacagna, responsable commercial de Video Consult, les pharmaciens cumulent tous les problèmes liés à la démarque inconnue et à l’insécurité. Que ce soit les vols de clients dans les rayons de parapharmacie, la démarque inconnue d’origine interne, ou encore les problèmes liés aux produits de substitution, les officines n’ont pas la tâche facile.
Mais ce constat n’est pas soutenu par des chiffres sûrs. Checkpoint Software, spécialiste des portiques de sécurité, publie chaque année une étude mondiale sur la démarque inconnue, cela fait longtemps cependant que la société ne s’est pas penchée sur le cas spécifique des pharmacies. Un chiffre est avancé par différents acteurs, la démarque inconnue représenterait 1,4 % du chiffre d’affaires, contre 0,81 % tous secteurs et tous pays confondus (ce dernier chiffre est en baisse sensible par rapport à l’année précédente).
On ne saurait dire si cette proportion est en hausse ou en baisse. Néanmoins, le tassement général constaté montre l’efficacité des solutions mises en place pour lutter contre ce phénomène auquel aucun secteur n’échappe. On ne saura pas non plus si cet équipement est important en officine, pour certains, le taux d’équipement atteint 90 %, pour d’autres, il est relativement en retard par rapport à d’autres secteurs.
De l’ultra haute définition
Pour Azad Kamooshi, spécialiste retail chez Axis Communication, une chose est sûre, de très nombreuses officines en sont à leur premier équipement en matière de lutte contre la démarque inconnue. Peut-être est-ce une chance, car elles bénéficient ainsi, si elles souhaitent s’équiper, de l’évolution récente des technologies dans ce domaine, qui sans représenter de rupture, permet d’ajuster la surveillance de façon plus fine.
À commencer par les caméras, dont les différents acteurs notent l’abandon progressif par les pharmacies de l’analogique pour le numérique. Longtemps les pharmaciens ont estimé que l’analogique suffisait. Mais ces caméras ne proposaient pas autre chose qu’une vision d’ensemble. Aujourd’hui, les technologies numériques permettent d’identifier des problèmes dans des zones précises, sans nécessité de zoomer et cela grâce à des images haute définition, et même de l’ultra haute définition, le « 4k », apportant un véritable regard sur ce qui se passe dans l’officine.
Ces caméras plus précises gèrent mieux la lumière et ôtent l’impact des effets de lumière naturelle ou artificielle qui peuvent parfois être gênants. Et plus encore, elles deviennent intelligentes. Elles peuvent désormais envoyer des alertes en cas de souci, identifié par exemple grâce à des éclats de voix. Encore que ces systèmes d’alertes restent limités soit par la technologie elle-même, la détection automatique de mouvements « suspects » dans un espace où le mouvement est incessant reste à affiner (les spécialistes s’y attellent), soit par la réglementation (l’usage du son notamment est rigoureusement encadré). En réalité, l’intelligence de ces caméras permet surtout au titulaire de pouvoir repérer a posteriori ce qui a pu se passer tandis que la ou les caméras continuent leur surveillance.
Parmi les acteurs présents sur le marché, certaines entreprises se distinguent en proposant des caméras sur IP, une télésurveillance en mode cloud, répercutant ainsi l’évolution des technologies hébergées sur la lutte contre la démarque inconnue. De telles caméras supposent cependant que l’infrastructure réseaux est suffisamment bonne pour accueillir le flux des images, un simple ADSL suffit peut-être pour une caméra, mais dès lors qu’il y en a plusieurs, il faut une infrastructure réseaux plus développée. « Actuellement la fibre optique se répand, il faut s’assurer de disposer d’une infrastructure qui tienne la route », estime Cédric Williamson, fondateur de Kiwatch. « La qualité de l’image dépend de celle du débit », rappelle-t-il.
Les caméras sur Internet ont l’avantage d’apporter de nouveaux services rapidement dès lors qu’ils apparaissent, en mode cloud donc : une gestion des modes de détection selon les espaces identifiés au préalable (grâce à une interface simple, cibler des zones à forte valeur ajoutée par exemple), et en fonction de l’horaire, avec un système d’alerte géré selon les différents moments de la journée (et en « full alerte » pendant la nuit). Un système autonome permet également le pilotage sur smartphone, ajoute Cédric Williamson. Autre avantage, les images ne sont plus stockées en local, ce qui libère de la bande passante.
Concurrence ou complémentarité
Discrètes ou visibles selon le souhait des pharmaciens, les caméras de surveillance bénéficient de nombreux formats, il leur suffit d’en déterminer l’usage qui s’enrichit au fil du temps et qui va au-delà de la surveillance, avec par exemple l’exploitation possible d’une dimension marketing, liée à l’analyse de la fréquentation des espaces.
Le choix d’un système de vidéo surveillance peut se faire en concurrence ou en complémentarité avec l’autre technologie importante en matière de lutte contre la démarque inconnue : l’installation d’antennes à l’entrée de la pharmacie qui permettent de détecter tout produit dont l’étiquette n’aura pas été désactivée au préalable en caisse. Technologie bien connue que l’on voit dans de très nombreux commerces.
La taille de l’officine, celle de son espace de vente et des rayons de parapharmacie, et surtout l’importance de la démarque inconnue commanderont sans doute la décision de choisir vidéo et/ou antennes. Outre le prix et l’aspect pratique (il faut « taguer » tous les produits pour qu’ils puissent être détectés en cas de vol), l’aspect dissuasif de l’une et de l’autre est un argument essentiel à prendre en compte.
Dans le domaine des antennes, les pharmacies optent le plus souvent pour la technologie acoustomagnétique (AM), en concurrence avec la radiofréquence (RF). La société Leaseprotect, spécialiste de la lutte contre la démarque inconnue, propose les deux technologies, mais préconise la première aux pharmaciens.
« C’est la solution la plus efficace », commente Hyacinthe Vela, responsable régional des ventes, « la radio fréquence fonctionne mal en présence de liquide, le taux de détection des antennes est supérieur, et les antennes AM donnent la possibilité d’un écartement plus important entre elles, et permettent un réglage plus facile face à un environnement qui peut perturber le champ de détection, portes automatiques, robot, moteur électrique etc… »
Ajoutés à la thèse traditionnelle selon laquelle la RF est la plus inhibée face à la présence de métal, non négligeable dans les emballages de produits de parapharmacie, ces différents arguments n’ont pas raison de l’opiniâtreté des défenseurs de la RF. « Les étiquettes RF sont totalement plates tandis que celles de l’AM sont plus épaisses », explique ainsi Alain Bosseaux, directeur des ventes de Checkpoint, le spécialiste de la radiofréquence. « On peut les mettre aisément sur des produits très fins et elles sont plus faciles à intégrer. » D’où la nécessité malgré tout de bien évaluer ses besoins.
Des caméras intégrées dans les antennes
De la même manière que les systèmes de vidéosurveillance, les technologies de détection par le biais des antennes n’ont pas connu de rupture, elles ont évolué, notamment celles qui concernent la désactivation des étiquettes en caisse, qui reste le problème numéro un de ces systèmes. Ces derniers sont désormais plus puissants pour les plus petites étiquettes et réduisent donc sensiblement le risque de voir les produits achetés normalement sonner encore à la sortie des officines.
Tout comme les systèmes de vidéosurveillance, ces technologies sont désormais plus intelligentes. « Ces antennes sont capables de remonter des informations sur leur état de fonctionnement car contrairement à une caméra, un dysfonctionnement ne se voit pas », évoque ainsi Alain Bosseaux. « Les pharmaciens peuvent agir directement sur ces antennes via leurs smartphones ». L’intelligence des antennes permet aussi d’intégrer les technologies de vidéosurveillance, une tendance certaine dans les systèmes de lutte contre la démarque inconnue, où l’image et la détection s’épaulent mutuellement.
Des caméras peuvent par exemple être intégrées dans les antennes à hauteur d’homme, utile en cas de vol avéré ou de braquage. Ou bien une antenne « peut déclencher une alerte vers un système vidéo qui ensuite déclenche un enregistrement », explique Alain Bosseaux. Checkpoint peut travailler un développement pour intégrer ces technologies, tout en déclarant préférer des solutions « universelles ».
Son concurrent AES, spécialiste de la technologie acoustomagnétique, propose des packs intégrant des caméras. Pour Alban Perreul, dirigeant de la société, l’intégration de ces technologies va permettre de faciliter la tâche des pharmaciens par le biais d’un système d’alerte précis et affiné. « Ils ont autre chose à faire qu’à regarder des écrans », clame-t-il. Cette intégration n’en est qu’à ses débuts et suivra sans doute les promesses de la domotique qui permet d’assurer beaucoup de tâches à partir de télécommandes… ou de smartphones.
La prochaine étape sera de relier ces systèmes à l’encaissement afin de suivre plus précisément la démarque d’origine interne, la plus délicate à gérer car elle implique beaucoup de doigté avec les équipes officinales, susceptibles d’être heurtées, à raison, par des systèmes de surveillance.
L’intégration permettra aussi – peut-être - de réduire le coût global d’acquisition des deux systèmes, pour les pharmacies qui sont intéressées par les deux. Certes, on voit aujourd’hui les prix des caméras baisser alors que leurs performances augmentent, et les caméras sur IP promettent également une réduction des coûts, mais pour les officines, ceux-ci restent par définition élevés dans la mesure où il est impossible d’établir un retour sur investissement. Mais dès lors que la démarque inconnue est importante, toute action qui permet de la réduire est en elle-même un bénéfice.
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