Intoxication

Connaissez-vous l’hépatite médicamenteuse ?

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Publié le 25/06/2018
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Presque tous les médicaments sont potentiellement hépatotoxiques et souvent de manière imprévisible. Les conseils de prudence et la vigilance s’imposent même si l’hépatite médicamenteuse est somme toute peu fréquente.
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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Selon l’Association française pour l’étude du foie (AFEF), on dénombre chaque année quelque 8 000 cas d’hépatite médicamenteuse, ce qui est peu au regard de la consommation de médicaments et du rôle essentiel joué par le foie dans la dégradation et l’élimination des médicaments.

En dehors des cas de toxicité directe en relation avec la dose ingérée, les mécanismes sont complexes et la grande majorité des hépatites médicamenteuses sont imprévisibles. Elles peuvent correspondre à un mécanisme immuno-allergique dirigé contre les métabolites hépatiques du médicament ou à une mutation génétique individuelle induisant ou accélérant la production de métabolites directement toxiques, ou encore aux deux mécanismes à la fois. L’effet toxique peut encore être modulé par des systèmes de défense : la charge de glutathion par exemple, est très abaissée par le jeûne.

Tout le monde est donc concerné. Cela dit, il faut être particulièrement vigilant avec les personnes âgées, plus touchées parce qu’elles prennent plus de médicaments. Avec les années, le foie est aussi moins efficace et les médicaments se répartissent différemment dans l’organisme.

Du paracétamol aux antirétroviraux

Plus de 1 100 médicaments* sont potentiellement hépatotoxiques, le plus fréquemment mis en cause étant le paracétamol pour cause de surdosage en général. Très souvent parce que la personne a cherché à soulager rapidement sa douleur ou sa fièvre sans vérifier la posologie et le mode d’emploi ou parce qu’elle a pris plusieurs médicaments à base de paracétamol, par exemple pour un état grippal. Mieux vaut attirer l’attention sur ce point, environ 450 médicaments disponibles sans et sur ordonnance en contiennent… Les symptômes ne sont pas immédiats et restent assez banals (nausées, sueurs, manque d’appétit, douleurs abdominales), mais au bout de 3 à 5 jours s’ajoutent fatigue, teint jaune, migraines, digestion difficile, éruptions cutanées. Attention, chez un alcoolique chronique - surtout dans les jours qui suivent une forte réduction ou un arrêt de la consommation d’alcool - ou en cas de jeûne, l’hépatite est encore plus grave voire fatale. Dans tous les cas, à la moindre suspicion, la seule chose à faire est d’appeler le SAMU.

Suivent les antibiotiques qui, tous, sont susceptibles de dégrader le foie à n’importe quelle dose, le plus connu étant l’Augmentin parce qu’il est très prescrit. Là aussi, le diagnostic est difficile car les premiers signes manquent de spécificité même s’ils sont parfois accompagnés d’un ictère et d’un amaigrissement. Les symptômes hépatotoxiques apparaissent généralement quelques jours à quelques semaines après avoir commencé le traitement. Le plus souvent, l’hépatite guérit sans séquelle plusieurs semaines après l’arrêt du traitement, mais il faut prévenir le médecin.

Attention aux AINS

Malgré leur faible hépatotoxicité, il faut garder à l’esprit que les hépatites dues aux AINS (ibuprofène, diclofénac…) - à n’importe quel dosage - sont relativement fréquentes parce qu’ils sont largement utilisés. Le teint jaune caractéristique, associé à une perte d’appétit et de poids, peut apparaître plusieurs jours voire plusieurs semaines après la première prise. Au moindre doute, prévenir immédiatement le médecin car l’hépatite est souvent plus grave qu’avec les antibiotiques. Si, en général, la guérison est complète, on note des cas d’insuffisance hépatique sévère voire des décès.

Les autres familles de médicaments représentent moins de cas mais il faut les connaître car les risques sont loin d’être nuls. Presque tous les antirétroviraux utilisés pour lutter contre le VIH ont été associés à des effets secondaires sur le foie, mais plus particulièrement la névirapine (Viramune), la stavudine (Zerit), la didanosine (Videx), la zidovudine (Retrovir, Combivir). Parmi les anticancéreux, surtout le tamoxifène et l’oxaliplatine et dans les antifongiques, le kétoconazole, la terbinafine. Mais aussi un antiacnéique (isotrétinoïne), un antithyroïdien (propylthio-uracile), le montelukast, (antiasthmatique), ainsi que des antidépresseurs (tianeptine, duloxétine…) et des antiépileptiques (phénobarbital, carbamazépine). Mais la liste n’est pas exhaustive… 

 

 

 

 

* Liste mise à jour dans les centres régionaux de pharmacovigilance.

Évelyne Gogien
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Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3447