Sauriez-vous faire la différence entre Hedysarum mackenzii et Hedysarum alpinum ?
La première de ces plantes est toxique mortelle, la seconde peut être consommée. Une confusion aurait des conséquences dramatiques et cette erreur a d'ailleurs coûté la vie à Christopher Mc Candless, le héros du récit Into the wild. Inutile de se rendre au cinéma pour entendre de telles histoires d'empoisonnement involontaire. En France, l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) a récemment communiqué sur le décès d'une femme, suite à la consommation de colchique. Originaire de la région Grand Est, elle pensait avoir cueilli de l'ail des ours (Allium ursinum). « Elle avait l'habitude de cueillir cette plante et de l'utiliser dans ses préparations culinaires. La feuille de l'ail des ours est utilisée en condiment pour son goût d'ail ; elle entre dans diverses préparations en vente sur les marchés locaux. Dans ce cas dramatique, l'intoxication au colchique a été suspectée tardivement, alors que la patiente était déjà en réanimation. La toxicité du colchique avait déjà été délétère pour plusieurs organes, ce qui a conduit au décès », détaille le Dr Elisabete Gomes, pharmacienne au centre antipoison Est (Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté). Contrairement à d'autres substances, il n'existe pas d'antidote à l'intoxication au colchique. En 2019, 4 intoxications graves associées à cette plante ont été rapportées ; plus généralement, ce sont en moyenne 250 cas d'intoxication par plante toxique qui sont déclarés chaque année par les centres antipoison.
En moyenne, 4 % des appels enregistrés par ces centres spécialisés concernent une suspicion d'intoxication par plante, soit environ 7 000 par an avec un pic au cours de l'été (données 2013). « Au printemps, les intoxications rapportées concernent le cytise à grappes, par confusion avec l'acacia pour la fabrication des beignets. Cette année, le nombre de cas semble en augmentation, peut-être du fait du confinement : il s'agit en outre de cas multiples du fait d'une consommation dans le cadre familial. Les signes vont des troubles digestifs à la tachycardie. »
Consommer le fruit de sa cueillette : êtes-vous sûr de vouloir en manger ?
Quel cueilleur n'a pas ressenti une certaine satisfaction à présenter et à partager sa récolte avec d'autres ? « On observe un phénomène d'euphorie chez les amateurs de plantes sauvages ou les cueilleurs de champignons : “je cueille, j'en mange et j'en remange, je fais découvrir ”. Même pour les connaisseurs, le risque de confusion est augmenté par la présence possible sur le même lieu de plusieurs plantes, les unes comestibles et les autres toxiques. En outre, les indices permettant de les différencier ne sont pas toujours présents : dans le cas du colchique et de l'ail des ours par exemple, la fleur est un bon critère de différenciation sauf que le colchique fleurit en automne et l'ail des ours au printemps. Cela implique de bien connaître le biotope pour identifier la coexistence de plantes différentes sur un même lieu. »
La vigilance est de mise, d'autant plus lorsque la cueillette a lieu dans une région méconnue ou un pays lointain. Si les vacances sont l'occasion de redécouvrir la nature, mieux vaut se garder de consommer les plantes ou leur fruit trouvées en chemin, même si l'attrait est fort et à moins de disposer d'un expert sous la main. C'est le cas par exemple des myrtilles, régulièrement confondues avec les baies de belladone. Ce toxique bien connu des pharmaciens provoque un syndrome atropinique (sécheresse buccale, mydriase, troubles cardiaques et neurologiques). Autre idée reçue, la cuisson n'annule pas toujours la toxicité du végétal et par conséquent, ne protège pas le consommateur d'une éventuelle intoxication.
Prise en charge de l'intoxication en pharmacie : les bons réflexes.
« Face à la consommation d'une plante inconnue ou de ses fruits, il est conseillé d'appeler un des huit centres antipoison du territoire pour recevoir un avis et connaître les consignes à appliquer. Si la symptomatologie du patient évoque un risque vital, tels que des vomissements persistants, un malaise ou un œdème de Quincke, le premier réflexe est d’appeler le 15 », explique Elisabete Gomes. La valeur ajoutée du pharmacien, c'est la connaissance botanique et toxicologique : « Il faut éviter la fuite de ce savoir ; le pharmacien reste à ce jour le seul professionnel de santé formé à la reconnaissance des champignons et des plantes, mais cette expertise est menacée par l'allègement de l'enseignement dans ce domaine. Il serait également pertinent que les pharmaciens identifient, sur leur territoire de dispensation, un expert dans la reconnaissance des végétaux auxquels ils peuvent faire appel en cas de besoin (confrère, pépiniéristes, associations,…). Pour le grand public, il est nécessaire de renforcer l'éducation aux plantes et aux champignons ; une meilleure connaissance des plantes rencontrées dans son environnement et de leur toxicité, notamment les plantes d'ornement, contribuerait à prévenir des intoxications. »
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