« Les Français pourront partir en vacances », annonçait le Premier ministre Édouard Philippe il y a quelques jours.
Si certains ont accueilli la nouvelle avec soulagement voire enthousiasme, d'autres restent timorés à l'idée de quitter leur domicile. Pour Danièle par exemple, septuagénaire résidant en Nouvelle-Aquitaine, l'épidémie de Covid-19 est comme une épée de Damoclès et cette menace constante lui interdit de retrouver ses habitudes d'avant : « j'attends avec impatience qu'on me dise «“'épidémie est terminée ”, ou “on dispose d'un vaccin ”. Quand ce sera le cas, je serai la première à me faire vacciner. En attendant, je ne prends aucun plaisir à me déplacer en boutiques, ou à partir en vacances… Je suis plus rassurée de rester à la maison, même si mes petits-enfants me manquent terriblement (ils vivent en Belgique) .» La réserve de Danièle est compréhensible : « j'ai eu une pneumonie aiguë il y a quelques années, et j'ai développé une infection pulmonaire sévère deux années de suite. » En Meurthe-et-Moselle, département classé rouge par Santé publique France, Benoît observe des comportements très contrastés : « selon le lieu d'habitation, l'environnement familial, la situation matrimoniale ou l'état de santé, la fin du confinement strict est vécu différemment. Ceux qui ont le plus mal vécu cette période retrouvent une bouffée d'oxygène. Malheureusement, on a vu réapparaître une agglutination de gens dans certains lieux publics, avec tous les risques auxquels expose cette promiscuité. Comme si le simple fait de porter un masque était synonyme d'invincibilité… Cette disparité de comportement est d'autant plus visible que nous habitons en zone frontalière, et que chez nos voisins luxembourgeois par exemple, les règles de protection ne sont pas identiques. »
La culture du comportement préventif imprègne peu à peu les Français.
Que va-t-il réellement rester de ces deux mois de conditionnement intensif aux gestes barrières ? « Je pense que beaucoup ont compris qu'il ne fallait pas faire n'importe quoi. Et nous montrons l'exemple à la pharmacie, avec le maintien de moyens de protection comme les plexiglas et les masques. Depuis la fin du confinement strict, on remarque une persistance des sorties utiles et raisonnées. C'est particulièrement vrai chez les personnes âgées et les jeunes parents, peut-être plus réceptifs au risque viral », commente Aurélie Gaudet, pharmacienne adjointe en Loire-Atlantique. « Le pharmacien a en effet un rôle d’éducateur à la santé. L’équipe officinale a les moyens et l’opportunité de pratiquer aujourd’hui l’éducation aux gestes barrières en montrant et faisant faire. Mettre à disposition du gel hydroalcoolique est une excellente idée. Vérifier que la personne sait bien l’utiliser est un acte majeur de prévention. Vendre des masques est nécessaire, montrer comment les porter et éviter un usage inadéquat est utile », observe Jean-Michel Mrozovski, docteur en pharmacie et président du CVAO (comité de valorisation de l'acte officinal).
En Charente-Maritime, Alexandre Perrault, pharmacien titulaire, envisage de laisser un distributeur de gel hydroalcoolique à demeure pour les patients : « je pense aussi que nous serons amenés à délivrer plus souvent des masques, même après l'épidémie de Covid ; notre référencement et notre conseil doivent intégrer ce produit plus systématiquement. Quant aux protections par plexiglas, je ne pense pas les retirer pour le moment. C'est plutôt esthétique finalement. » Aurélie Gaudet a une certitude : « une chose est sûre : nous ne vivrons pas la prochaine saison hivernale de la même façon. Le lavage des mains régulièrement, le port du masque sont devenus des réflexes, et nous les conserverons face à la grippe ou à la gastro. J'espère qu'il en sera de même chez les patients. À nous de les encourager dans ce sens et de promouvoir les gestes barrières vis-à-vis des virus classiques. »
Aider à retrouver le chemin du cabinet médical.
Autre défi pour les pharmaciens, encourager les patients à retourner voir leur médecin. « Beaucoup de patients craignent encore d'aller au cabinet médical. Ils pensent qu'ils y seront surexposés au virus. C'est aussi peut-être par facilité, parce qu'ils savent que leur ordonnance, même périmée, peut être renouvelée en pharmacie. D'ailleurs, cela ne fait que conforter une demande qui existait avant le confinement : une durée de renouvellement allongée pour les traitements chroniques, afin de réduire les visites chez le médecin. Nous les encourageons donc à reprendre rendez-vous, en les rassurant sur les dispositions de sécurité mises en place dans les cabinets médicaux pour réduire le risque de transmission virale », note Cyril Rabaron, pharmacien adjoint à Champigny-sur-Marne. « Ce qui est paradoxal, c'est cette crainte exprimée par les patients d'aller chez le médecin alors qu'ils n'ont pas d'inquiétude à venir à l'officine pendant le confinement », explique Alexandre Perrault. Dans le Maine-et-Loire, Quentin Gardan, jeune titulaire installé le 1er février, tente de rassurer : « nous leur expliquons que les patients suspects Covid sont accueillis dans un centre spécifique, à distance des cabinets médicaux. »
La nouvelle relation du pharmacien avec les patients.
Si les clients n'ont pas encore retrouvé leur mode de consommation habituel, le confinement leur a permis de goûter à de nouveaux canaux, notamment le drive et la vente en ligne. « Le recours au commerce en ligne va continuer à s'implanter. Pendant le confinement, nous avons opté pour le drive, qui permet la dispensation tout en garantissant la distanciation physique. Nous avons mis ce dispositif en place avec l'aide de la mairie, mais cela demande d'organiser la pharmacie et l'équipe en conséquence pour assurer avec la même qualité le service au comptoir et au drive », raconte Alexandre Perrault. « La crise du Covid-19 montre un nouveau champ de service pour le pharmacien », confirme le président du CVAO. « La livraison à domicile par exemple a démontré son utilité pour des patients ne pouvant ou ne devant pas se déplacer. Si l’on y associe un conseil personnalisé et la vérification du bon usage des médicaments par télésoin par exemple, l’acte pharmaceutique sera sans aucun doute valorisé. » Tout en se développant vers ces nouveaux moyens d'approvisionnement, la profession doit veiller à préserver la qualité du service officinal.
La pharmacie, espace sociosanitaire par excellence.
La pharmacie est peut-être un des lieux publics privilégiés pour réapprendre à vivre, malgré la menace Covid. Comme le rappelle Jean-Michel Mrozovski, « la pharmacie est un lieu de rencontre, de dialogue et d’information. Le pharmacien peut promouvoir des actions de prévention en mettant à disposition sa vitrine ou des espaces d’affichage. Dans le cas des violences conjugales par exemple, le rôle du pharmacien a été mis en avant ; l’affichage d’un message de prévention pour lutter en amont contre le premier geste déplacé est essentiel. Dans une société qui se déshumanise, la pharmacie doit continuer à valoriser sa capacité à prendre en charge, écouter, soulager, conseiller et accompagner des patients fragiles et isolés ».
Article précédent
Le syndrome « Into the wild » !
Article suivant
Guide des médicaments voyageurs
Voyages immobiles pour patients immobilisés
Découvertes culinaires et hygiène alimentaire
Questions de destination
La trousse de secours de l’enfant
L’essor de la téléconsultation va-t-il profiter aux Français qui voyagent ?
Voyage au cœur d'une pandémie
Le syndrome « Into the wild » !
Réapprendre à sortir de chez soi
Guide des médicaments voyageurs
Ordonnances en partance