S’investir dans les nouvelles missions pour suivre l’évolution du métier et satisfaire les besoins de la patientèle tout en évitant de se mettre en difficulté sur le plan économique… tel est le problème posé aux pharmaciens d’aujourd’hui. Vacciner, dépister, prescrire dans un cadre défini, faire des entretiens… oui mais pas à n’importe quel prix. Si ces évolutions doivent apporter un bénéfice aux patients, en termes d’accès aux soins, elles doivent aussi être profitables pour les officinaux, cette fois sur le plan financier. Un dernier facteur qui doit être également apprécié selon une autre perspective. « Les nouvelles missions sont devenues incontournables, mais il y a toujours un défi de taille : garder l’entreprise-pharmacie rentable et cela est un véritable numéro d’équilibriste », résume David Syr, directeur général adjoint de GERS Data. Et de poursuivre, « avant de savoir ce que ces missions rapportent, il faut déjà déterminer le temps qu'on y passe et le sens que l’on veut y donner ». « Aujourd’hui, quand on parle de taux de TVA, on ne sait plus de quoi on parle. Quand on parle de délégation, on parle souvent du médicament mais il y a aussi tout ce qui va concerner les dispositifs médicaux et l'accompagnement qu’ils nécessitent. Quand on parle de TVA à 5,5 %, on pense tout de suite aux compléments alimentaires, or la moitié du chiffre d'affaires réalisé sur des produits à ce taux de TVA est portée par la prescription. De même, quand on pense TVA à 20 %, on pense parapharmacie et dermocosmétiques sauf que là encore, un quart du chiffre d’affaires sur ce taux de TVA vient en fait des produits sur prescription », expose David Syr.
L’enjeu qui se pose aujourd’hui au réseau officinal, c'est la gestion entre le microéconomique et le macroéconomique
La pharmacie a la capacité de s’adapter à des situations nouvelles
Actuellement, la marge de l'officine sur les médicaments chers (sachant qu’elle est écrêtée au-delà d’un prix supérieur à 1 930 euros) est plafonnée à 98 euros, ce qui explique des différences très importantes entre le chiffre d'affaires et la marge des officines (voir page 24). « Les médicaments chers, c’est l'arbre qui cache la forêt », résume David Syr. Pour lui, l’important est que le pharmacien puisse déterminer « ce qu’il peut améliorer pour générer de la croissance, à la fois au sens économique du terme et à la fois en matière de santé publique. L’enjeu qui se pose aujourd’hui au réseau officinal, c'est la gestion entre le microéconomique et le macroéconomique », estime-t-il également. Comme le rappelle le directeur adjoint de GERS Data, les économies que souhaite faire l’État cette année sur le médicament vont dépasser les objectifs prévus. « On était parti sur 850 millions d’euros d'économies sur le médicament et on dépasse déjà le milliard d’euros », confirme-t-il.
Quand on parle de TVA à 5,5 %, on pense tout de suite aux compléments alimentaires, or la moitié du chiffre d'affaires réalisé sur des produits à ce taux de TVA est portée par la prescription
Même si elle doit faire face à une situation économique aussi difficile que complexe, la pharmacie dispose d’un atout de poids selon David Syr. « Elle a une capacité d'adaptabilité qui est remarquable, observe-t-il. La pharmacie sait gérer la demande, on le voit sur l'angine et sur la cystite. On peut aussi évoquer la vaccination, il y a 7 ou 8 ans, quand on parlait de proposer la vaccination en pharmacie, tous les officinaux trouvaient cela intéressant mais disaient : “Ce n n‘est pas pour moi, c’est bien pour les autres mais moi j’ai plein d’autres choses à faire”. Aujourd'hui la question ne se pose plus parce que la population en a besoin. La gestion de cet acte de prescription des vaccins, la pharmacie se l’est appropriée. Dans le même temps, on voit aussi que l'entretien femmes enceintes se développe petit à petit en pharmacie et l'enjeu qui se pose sur la vaccination antigrippale cette année va être de voir comment faire collectivement pour que la couverture vaccinale soit supérieure à celle de l'année précédente… », récapitule-t-il. En marge de ces exemples, David Syr admet que d’autres dispositifs ou missions ont, eux, plus de mal à s’imposer au comptoir, à l’instar des bilans partagés de médication. « Sur ce dernier point, on voit en effet que le pourcentage de pharmacie qui en réalisent est encore très modeste. L'enjeu c'est de voir comment les officines peuvent les digérer », souligne David Syr.
Comment s’approprier ces nouvelles missions sans risquer le burn-out ?
Indispensables, incontournables, ces nouvelles missions ne doivent toutefois pas devenir un fardeau trop lourd à porter pour les officinaux. « Le cerveau du pharmacien est sans cesse stimulé (RH, trésorerie, stocks, conseil, relais de croissance, nouvelles missions, marges…). Il saute d’une pensée à l’autre avec le risque d’exploser. Cet effet pop-corn, comme on pourrait l’appeler, on n’en est pas loin dans le réseau officinal, au regard de tout ce que doit gérer le pharmacien au quotidien », alerte l’expert. D’où l’importance que ces nouveaux actes, placés entre les mains des pharmaciens, leur apporte un bénéfice concret, en l’occurrence une rentabilité économique. « L’enjeu n’est pas en fait de savoir quelles nouvelles missions sont rentables mais c’est plutôt de savoir comment je peux me les approprier dans le quotidien, de manière que mon entreprise-pharmacie reste, elle, la plus rentable possible. » En conclusion David Syr adresse ce conseil à tous les pharmaciens qui se demandent encore s’ils doivent oui ou non s’engager dans ces nouvelles missions qui transforment leur métier et leur modèle économique. « Est-ce qu'il est aujourd'hui rentable de faire ces nouvelles missions ? Objectivement, la réponse est non, au sens économique du terme. Cela dit, est-ce que la pharmacie a le choix, est-ce qu'elle doit le faire quand même ? La réponse, de mon point de vue, c’est oui. »
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