« Au début de l'épidémie, on a pensé que les enfants allaient être très touchés, ou à défaut, pouvaient être des transmetteurs du virus. Les données d'épidémiologie nous montrent le contraire, et c'est un peu une surprise », commente le Dr François Trémolières, médecin infectiologue.
La maladie qui fait trembler le globe touche peu les enfants, et les cas pédiatriques représenteraient moins de 2 % des sujets infectés selon les données de Santé Publique France. « Quand on regarde les analyses et notamment celles réalisées au sein des clusters, on voit nettement que les enfants ne sont pas des contaminateurs, mais des contaminés : le sens de contamination est adulte vers enfant, et non l'inverse », remarque le Dr Sydney Sebban, pédiatre et directeur médical du réseau bronchiolite d'Île-de-France. Autre observation, les enfants infectés se révèlent peu ou pas symptomatiques, en comparaison à leurs aînés.
Des pistes d'explication à explorer.
Comment expliquer ce phénomène d'épargne des enfants plus ou moins inédit en infectiologie ? Plusieurs hypothèses sont avancées, qui méritent évidemment d'être validées. « La première repose sur le lien étroit entre les récepteurs ACE2 (angiotensine converting enzyme 2) et l'infection par le SARS-CoV-2. Or, ces récepteurs sont peu nombreux chez l'enfant en bas âge ce qui expliquerait une moindre sensibilité au virus », explique Sydney Sebban. D'autres explications mettent en avant les spécificités du système immunitaire chez l'enfant. « On sait que chez l'enfant, la réponse immunitaire repose plus sur un mode cellulaire que sur un mode anticorps, ce qui pourrait expliquer la protection contre la seconde phase de la maladie, à savoir l'orage cytokinique. Autrement dit, la naïveté de la réponse immunitaire serait un facteur protecteur. Des études sont également en cours pour évaluer l'impact de la vaccination, notamment celui des vaccins vivants atténués tels que le BCG, sur la stimulation du pool cellulaire de l’immunité et son caractère protecteur vis-à-vis du SARS-CoV-2. » Enfin il est possible qu’une immunité croisée développée avec les coronavirus des rhumes chez l’enfant puisse être à l’origine d’un certain degré de protection contre le SARS-CoV-2.
Le cas Kawasaki.
Un signal d'alerte a cependant inquiété la communauté médicale, suite à la survenue de formes graves chez des enfants dans plusieurs pays européens. « En avril, on a observé un pic d'hospitalisation avec des enfants présentant un syndrome Kawasaki, ou Kawasaki like. Dans plus de 50 % de ces cas, une PCR positive était associée. Ces cas Kawasaki like se manifestaient majoritairement par une myocardite ou une atteinte coronaire, dans un contexte d'inflammation multisystémique », note Sydney Sebban. Si un lien semble établi entre l'infection Covid-19 et les syndromes Kawasaki like chez les enfants, aucun facteur de risque n'a été identifié à ce jour. « Chaque année, on rapporte 4 à 500 cas de Kawasaki en France, selon une épidémiologie saisonnière. Une origine virale est suspectée mais aucun virus responsable n'a jamais été identifié. Les données issues de la pandémie pourraient nous permettre de progresser dans la compréhension de ce syndrome et plus largement des maladies auto-immunes, tant sur l'étiologie que sur les facteurs déclencheurs. »
Tant que le virus circule…
« La question qui se pose aujourd'hui, dans une période de faible circulation virale, c'est comment repérer les enfants malades Covid-19 ? En présence d'une fièvre chez l'enfant, il faut en premier lieu s'interroger sur le risque d'infection bactérienne, en particulier chez les enfants de moins de 2 ans. C'est d'autant plus important dans un contexte où les schémas de vaccination recommandés ont été moins respectés ou reportés et par conséquent, la protection est plus faible », prévient le Dr Sebban. Tandis que l'épidémie de Covid-19 tend à régresser, le virus reste en circulation et impose de maintenir la vigilance. « Le respect des gestes barrières est essentiel, d'autant plus si on se trouve en milieu clos et avec d'autres personnes. En outre, tous symptômes évocateurs, notamment la fièvre et la toux, doivent faire suspecter un Covid-19 et déclencher un test y compris chez l'enfant », commente le François Trémolières. Pour le Dr Sydney Sebban, « les enfants sont un relais d'apprentissage pour leurs parents et je suis convaincu que la portée éducative des mesures barrières mises en place en milieu scolaire dépassera largement les murs de l'école ».
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