Quand on demande aux pharmaciens quels sont, selon eux, les leviers de croissance pour la pharmacie d’aujourd’hui, deux réponses fusent : les services aux patients (27,9 %) et l’automédication (26,9 %). Suivis par les génériques (16,4 %), les conditions d’achat (15,4 %) et dans une moindre mesure la parapharmacie (6,1 %). Cette enquête exclusive de Call Medi Call* pour « Le Quotidien du Pharmacien » est emblématique de la métamorphose en cours de la pharmacie d’officine. Il ne fait plus aucun doute que l’image du pharmacien exclusivement dispensateur de médicaments a fait long feu. Place à la différenciation, à la spécialisation, à la valorisation de l’expertise officinale à travers les services aux patients.
L’évolution du métier n’a jamais cessé, comme le rappelle l’économiste de la santé Jean-Jacques Zambrowski : « Initialement, le pharmacien était celui qui avait le secret des poisons et des simples. Avec le temps, le pharmacien n’a plus été en responsabilité de fabriquer dans son préparatoire les préparations prescrites par un thérapeute ou bien de sa propre composition. Il est devenu le dispensateur de produits industriels élaborés et mis au point par d’autres que lui. Sa valeur s’est peu à peu transférée de la production à l’accompagnement de la délivrance. »
Essoufflement
La profession continue aujourd’hui de s’adapter, que ce soit pour des raisons économiques ou sociétales. Car, effectivement, le pharmacien ne peut plus compter sur le seul médicament remboursé, dont le chiffre d’affaires est en constante régression, pour sortir son épingle du jeu. Ce changement obligatoire est perceptible partout dans le monde ; tous les pays connaissent un essoufflement de leur système de santé, un resserrement des prix avec le virage ambulatoire, notamment pour pouvoir mettre à disposition des traitements innovants très onéreux. « En Suisse, des pharmaciens déclarent qu’ils gagnent davantage d’argent, en termes de marge pas en termes de chiffre d’affaires, par les conseils ou les services qu’ils rendent que par la marge sur les produits », indique Jean-Jacques Zambrowski. Car les attentes des patients ont aussi changé, alors que la désertification médicale s’amplifie, « ils veulent plus de services, plus de choix, plus d’informations, plus d’accompagnement, plus de qualité ». Des besoins d’autant plus prégnants que l’offre évolue également. « Aujourd’hui, il y a des médicaments à très forte valeur ajoutée nécessitant tout un accompagnement autour de la prise en charge de la maladie, qui ne se limite pas aux conseils de bon usage », note l’économiste de la santé.
Bonne santé
« On est passé du lieu de fabrication ou de dispensation des médicaments et de quelques produits annexes à un espace de santé au sens le plus large. On passe de la délivrance de médicaments à la dispensation de services, qui vont du conseil nutritionnel à la livraison à domicile, en passant par toutes sortes de coachings nécessaires au patient. » Et pour Jean-Jacques Zambrowski, c’est une bonne nouvelle. C’est même « une mutation heureuse car la bonne santé ne s’acquiert pas qu’avec des médicaments, mais avec un ensemble de produits et de services ».
Reste au pharmacien à s’engager résolument vers ces leviers de croissance que sont les services aux patients. « On peut imaginer, ajoute Jean-Jacques Zambrowski, que des groupements proposent à leurs adhérents d’avoir accès, pour leur patientèle, à des prestations qui, demain, et dès à présent, seront indispensables dans l’offre de l’espace à la croix verte. » Le pharmacien n’aura d’autre choix que de s’appuyer sur les habituels partenaires de l’officine, donc principalement sur les groupements et les industriels de santé, pour actionner les leviers des services aux patients, de l’automédication, des génériques, de la parapharmacie. L’économiste de la santé est confiant, les pharmaciens passeront cet obstacle avec succès comme ils l’ont fait par le passé. « On avait dit que le tiers payant ne marcherait jamais, les pharmaciens l’ont fait. On avait dit que le générique ne marcherait jamais, les pharmaciens l’ont fait. Sur les 15, 20 ou 25 dernières années, le pharmacien a montré, alors qu’il était réputé être une profession incapable de mutation, qu’il avait su s’adapter. Le défi qui lui est lancé aujourd’hui, c’est que s’il n’évolue pas, il est condamné. »
* Enquête menée du 12 juillet au 22 août 2016 auprès d’un échantillon représentatif de 1 066 pharmaciens.
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