Le passage à l’an 2016, et donc à l’honoraire à un euro, a été accompagné de quelques bugs informatiques (voir encadré). Mais là n’est pas le pire. Le passage de l’honoraire à un euro « a déclenché une catastrophe ». C’est du moins l’analyse de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO), qui indique que la marge s’est à nouveau infléchie de 8,3 % au cours du mois de janvier.
« Nous avons perdu près de 41 millions d’euros », s’insurge Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Il rappelle que la profession avait déjà perdu 146 millions d’euros sur l’ensemble de l’année 2015. Selon les données Pharmastat, les officines ont vendu en janvier 9,16 % de boîtes en moins qu’un an auparavant.
Elles ont également honoré 6,45 % d’ordonnances en moins et même 8,41 % d’ordonnances complexes (cinq lignes et plus) en moins. Une baisse d’activité qui se traduit par un chiffre d’affaires en berne de 6,24 % et une rémunération totale en chute de 8,30 %, soit une perte de 1 858 euros en moyenne par officine pour le seul mois de janvier 2016.
Si l’analyse de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) n’est pas exactement la même, le constat est parfaitement identique. « Janvier est catastrophique », se désole Philippe Besset, vice-président de la FSPF. C’est pourquoi, le 19 février dernier, USPO et FSPF ont fait front commun pour taper du poing sur la table lors de la dernière réunion du Comité de liaison de l’officine qui réunit les syndicats et les différentes administrations de l’État en lien avec la pharmacie (Caisse nationale d’assurance-maladie, Comité économique des produits de santé, Direction générale de la santé, Direction de la Sécurité sociale, Direction générale de l’offre de soins).
« Il est impossible de continuer à subir les baisses de prix imposées par le PLFSS sans compensation car l’esprit même de la Convention nationale est basé sur les compensations », ajoute Philippe Besset. Quant à pointer du doigt le passage de l’honoraire de dispensation de 0,80 à 1 euro au 1er janvier dernier, la FSPF rappelle tout de même qu’elle continue à comparer les résultats avec et sans honoraire. Ainsi, pour janvier 2016, si l’honoraire était resté à 0,80 euro, la perte de rémunération totale hors taxes serait de 87,5 millions d’euros…
Un contrat sur trois ans
Pour autant, il n’est pas question de jouer à la « théorie du moins pire ». Le fait est que la Convention aurait dû garantir la même rémunération que l’année précédente. Or force est de constater que ce n’est pas le cas. Qu’elles viennent de l’USPO ou de la FSPF, les projections pour l’ensemble de l’exercice 2016 sont les mêmes : les pertes vont dépasser les 200 millions d’euros.
Pour Gilles Bonnefond, les pertes accumulées de mois en mois par la profession sont l’aveu d’un échec, celui du système de rémunération tel qu’il a été mis en place. « L’honoraire à un euro ne nous protège en aucune façon contre les baisses de prix programmées sur les traitements chroniques », déclare Gilles Bonnefond. « La profession butte sur les baisses de prix », répète-t-il pour mieux signaler que les titulaires ont atteint les limites du système, treize mois après son introduction. La faute aux pathologies hivernales qui n’ont pas été au rendez-vous en janvier ?
L’USPO considère que l’équilibre économique de la pharmacie ne peut s’hypothéquer chaque mois sur la survenue de ces pathologies qui augmentent les ventes de Doliprane et d’homéopathie. Pour lui, les difficultés conjoncturelles de janvier montrent une fois de plus qu’il était erroné de transférer la baisse de la marge des traitements chroniques sur une augmentation de la marge des petites boîtes.
« Le pire est aujourd’hui atteint. Nous ne pouvons tolérer davantage cette dégradation de l’économie à la vitesse grand V », martèle le président de l’USPO. Les pharmaciens – sortis selon lui des radars des politiques depuis la signature de la Convention par la FSPF – doivent rapidement se concerter s’ils ne veulent continuer à faire ainsi des cadeaux, mois par mois, à l’assurance-maladie.
Plan d’urgence
« J’attends un signal, au-delà des mots j’attends des signes », lance Gilles Bonnefond à l’adresse de Philippe Gaertner. Le président de l’USPO réclame un sursaut de la profession enfermée dans un accord jusqu’à fin 2016 et souhaite que les syndicats entreprennent, avant le prochain PLFSS, des négociations avec l’Assurance-maladie et l’État, portant sur une enveloppe de rémunération sur trois ans. Cela permettrait à la profession de relever les défis de la sortie hospitalière, de la prise en charge des malades chroniques et de l’évolution du réseau officinal avec les outils adaptés, estime-t-il.
Un contrat garantissant une rémunération et une visibilité sur trois années auquel la FSPF adhère, tout en rappelant que c’est exactement le but de la Convention nationale. De son côté, elle réclame un plan d’urgence pour l’officine depuis septembre dernier. « Lors du Comité de liaison officine, les différentes instances de l’État nous avaient répondu que rien ne serait mis en place sur des projections mais sur un état constaté, donc lors du bilan début 2017. Un tel décalage est insupportable. Notre conception n’est pas d’attendre que la situation se dégrade mais de compenser au fur et à mesure », explique Philippe Besset.
Estimant ne pas avoir été entendue, la FSPF a rencontré mardi la ministre de la Santé Marisol Touraine. Une entrevue qui a permis à Philippe Gaertner d’alerter le gouvernement sur la dégradation économique du réseau officinal. La ministre aura-t-elle entendu ce message ?
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